LA
DEMOCRATIE :
PARLONS-EN !
par Johan ISSELEE
II - Soyons réalistes
" Ce qui n'est pas dans
les actes,
n'est pas dans le monde. "
(Proverbe latin)
Depuis les temps
les plus reculés, chaque être humain en particulier et
l'humanité dans son ensemble aspirent à vivre en paix
et dans la liberté.
Souhait naturel et légitime qui devrait permettre à
chacun de réaliser son propre bonheur, par ses propres efforts,
selon ses aptitudes naturelles, besoins et aspirations.
Le monde étant prêt à quitter définitivement
l'opposition matérialisme-spiritualisme qui divise l'individu
en lui-même et les collectivités entre elles, l'homme
du troisième millénaire aspire à une approche
RÉALISTE de l'existence qui lui permette d'épanouir
la totalité de son être en satisfaisant tant les besoins
matériels que spirituels, inhérents à la condition
humaine.
Ce n'est que graduellement, et non sans peine, au fil de ses expériences,
de ses réussites et de ses déboires, qu'il prend conscience
que le passé n'étant plus, et le futur n'étant
pas encore, le RÉEL est de l'instant présent, UNIQUEMENT
DE L'INSTANT PRÉSENT, et que par conséquent rechercher
la plénitude en vivant pleinement l'instant présent
est la seule approche réaliste de l'existence.
C'est la raison principale pour laquelle les hommes actuels ne savent
plus se satisfaire d'idéaux à réaliser ou de
bonheur à atteindre dans un avenir lointain, voire dans une
vie après la vie. Ils aspirent à la joie de vivre et
à la satisfaction profonde que procure le fait de vivre pleinement
l'ici et maintenant, libres de toutes entraves.
Se donner totalement et s'oublier dans ce que l'on fait, accomplir
des actes utiles et de qualité, tels sont les critères
de la réelle joie de vivre qui fait prévaloir la qualité
sur la quantité, l'être sur le paraître.
Cette manière réaliste d'approcher et de vivre le réel
que connaissent encore les enfants n'est que subodorée par
le monde des adultes qui le recherchent en vain et de façon
erronée, non pas en s'investissant dans l'acte en tout désintéressement
comme le fait l'enfant, mais en convoitant le fruit de l'acte que
l'on voudrait tout de suite et sans effort. Cette façon pervertie
de rechercher la plénitude dans l'instant présent est
très active dans nos sociétés. N'est-ce pas ce
que recherchent les masses de désoeuvrés qui, sans références
et sans repères, cherchent désespérément,
hystériquement, à " s'éclater ", non
pas dans des actes utiles et de qualité, mais en se perdant,
se droguant et en s'abrutissant au rythme déstructurant de
musiques dégénérées.
La maturité, l'expérience et le progrès scientifique
et technique aidant, les enfants ne devraient plus naître sur
une terre où des hommes considèrent encore leur semblable,
d'aucuns comme un animal sous forme humaine au service d'une bien
imaginaire race supérieure ou peuple élu, d'autres comme
un capital pour l'État, dans un monde où des géniteurs
eux-mêmes considèrent que leur progéniture leur
appartient corps et âme, qu'ils peuvent donc en disposer à
leur guise, voire l'exploiter (et c'est le cas dans de nombreux pays
!), mais aussi exiger d'elle la réalisation de leurs rêves
de grandeur et de leurs phantasmes inassouvis.
Si, dans un lointain passé, l'organisation sociale répondait
essentiellement à des besoins de survie pour faire face aux
difficultés naturelles, géographiques et climatiques,
depuis des décennies le progrès technique et scientifique
offre à l'humanité les moyens d'accueillir les générations
futures dans un climat de liberté et de sécurité
et même de confort.
Les temps sont mûrs pour que le passage de l'homme sur terre
serve à sa propre réalisation et il est en droit de
trouver un contexte social où lui sont garantis le respect
et la protection de sa liberté d'évoluer vers l'accomplissement
de son autonomie, indispensable à sa dignité. Seule
l'éducation à l'autonomie permet qu'à l'âge
adulte on soit prêt à assumer à son tour ses responsabilités.
Voilà des décennies est né un courant de libération
tous azimuts qui s'inscrit dans le processus mondialisé de
démocratisation et qui devrait aboutir à un réelle
libération des consciences de leurs tutelles, une libération
des dépendances et des autoritarismes religieux, politiques,
philosophiques, scientifiques et économiques qui ont pu être
légitimes à un moment donné de l'évolution,
mais qui sont actuellement tous devenus un empêchement à
l'individuation des consciences, donc à la responsabilisation
des citoyens.
Seul le total respect de la liberté de conscience -que l'on
prône partout mais que l'on ne respecte nulle part- confronte
chacun à l'autorité en soi qui est celle de l'inconscient
universel, racine métaphysique de toute conscience, et référence
commune à tous les hommes. L'autonomie qui met chacun devant
ses réelles possibilités et limites engendre le besoin
naturel de l'autre et fait découvrir pourquoi et comment vivre
les différences et les spécificités tant individuelles
que collectives dans la complémentarité et le respect
mutuel.
LA LIBERTE REND AUTONOME.
L'AUTONOMIE REND RESPONSABLE.
LA RESPONSABILITE REND SOLIDAIRE.
Si l'on ne peut
que se réjouir du nombre toujours croissant d'initiatives personnelles
et associatives qui promeuvent le développement personnel afin
de permettre à tout un chacun d'acquérir son plein potentiel
d'expression, on ne peut que déplorer l'aveuglement et l'obstination
de ceux qui ont les rennes du pouvoir en main et qui, par profit,
par soif de pouvoir mais surtout par ignorance, s'avèrent être
incapables de faire naître une véritable démocratie
qui donnerait à chacun sa juste place et sa fonction dans l'évolution
et dans l'harmonie de l'ensemble.
"Il n'est
rien de plus effrayant que l'ignorance agissante. " (Goethe)
La démocratie, bien plus qu'une simple modalité pour
juguler les masses, est avant tout un contexte collectif d'Eveil,
d'évolution et d'épanouissement individuel qui, par
le pouvoir qu'elle donne de participer à la vie de l'ensemble,
appelle chacun à ses responsabilités et lui permet d'être
utile et de servir en offrant le meilleur de lui-même.
A la différence de tous les autres systèmes de gestion
sociale, élitistes par nature, où il y a des "
meneurs " et des " suiveurs " et qui se basent sur
la loi du plus fort : physiquement (militairement), matériellement
(économiquement) ou intellectuellement (scientifiquement),
la démocratie met au centre de toute réflexion et de
toute action la personne humaine avec ce qu'elle a de plus sacré
: SON INDIVIDUALITE et de plus noble : SON HUMANITE, qualité
essentielle qui fait totalement défaut à ceux qui se
croient tout permis parce qu'ils sont les plus puissants, les plus
riches, les plus savants.
Comme l'a bien pressenti le philosophe Michel Foucault, au lieu de
penser et de théoriser différemment ce que l'on sait
déjà, il est temps d'entreprendre de savoir comment
et jusqu'où il est possible de " penser autrement ".
(A
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ART & Démocratie,
février 2003 (CC)