LA DEMOCRATIE :
PARLONS-EN !

par Johan ISSELEE

III - DE LA THÉOCRATIE A LA DÉMOCRATIE, UNE QUESTION DE TEMPS

"Le temps est notre maître a tous"
NOSTRADAMUS



Afin de comprendre que la crise que traverse le monde n’est pas le fruit du hasard, mais résulte d’un déséquilibre entre la maturité physique et psychologique de l’humanité, il est nécessaire de rappeler quelques notions essentielles sur le temps qui gère l'évolution de toute chose.

Il existe une approche cyclique et une approche linéaire du temps.

Les anciens avaient une compréhension du monde basée sur l’observation de la nature et sur la logique analogique ; ils considéraient le temps comme un phénomène cyclique, une suite de « saisons », un éternel retour qui, dans une spirale sans fin, garantissait la pérennité de la vie sous tous ses aspects. Le cycle astrologique, celui des saisons climatiques et les âges psychologiques en sont des expressions.

L’homme moderne conçoit le temps comme étant linéaire, en ne tenant compte que de la durée limitée par la naissance et la mort qui définissent l’existence.

Ces deux approches différentes –en réalité complémentaires puisque le temps linéaire n’est qu’un segment très réduit du temps cyclique- conditionnent le sens et l’organisation de la vie sociale. Les anciens, religieux par nature, agissaient en vue des générations à venir ; l’homme moderne, matérialiste et égoïste, ayant adopté la philosophie du "tout, tout de suite, et après nous le déluge", se trouve actuellement confronté aux conséquences de sa courte vue : pollution atmosphérique, déchets nucléaires non maîtrisés, nourritures frelatées et une pharmacopée qui ne dévoile ses effets nuisibles… qu'avec le temps.

Ainsi, la cause profonde du problème actuel s’avère être dans l’égoïsme et l’absence d’une approche lucide de la réalité existentielle qui puise son sens d’être et son utilité dans le contexte général de l’évolution cyclique d’une humanité.

Expliquons-nous :
A l'image de l'être humain qui naît, traverse l'enfance, l'adolescence, l'âge mûr et la vieillesse pour finalement mourir, le genre humain dans son ensemble, en tant qu’entité vivante, naît, meurt, et est lui aussi soumis à des cycles évolutifs de croissance et de maturation qui s'étendent sur des siècles.

Ce qui nous fait comprendre que, dans le grand corps collectif qu'est l’Humanité, chaque individu constitue une cellule vivante dont la durée d'existence s'inscrit dans le contexte psychologique de « son époque », qui à son tour s’inscrit dans le cycle précis de l'évolution de l’homme cosmique.

De même qu’à la naissance, l'enfant est pris en charge par ses géniteurs dont la fonction est de l'accompagner vers l'autonomie de l'âge adulte, l'humanité naissante est sous l’autorité de "tuteurs"
dont la Tradition et certains textes sacrés ont gardé la mémoire, et qui ont engendré des systèmes de gestion théocratiques et monarchiques qui avaient la mission de guider l'humanité « à travers le temps » vers l'autonomie spirituelle individuelle. Cette autonomie spirituelle est le fondement de la démocratie, phénomène social prévisible qui ne pouvait se faire « qu’en son heure et en son temps ».

A l’image de parents abusifs qui gardent sous leur dépendance leurs enfants, souvent déjà père ou mère eux-mêmes, les institutions qui avaient l'autorité de tutelle sur l’humanité, au lieu de rendre autonome spirituellement, par abus de pouvoir et par ignorance, ont failli à leur mission et gardé sous leur dépendance les consciences dont elles avaient la charge.

La mainmise sur la conscience s’exerce de trois façons : par l'appropriation de la totalité de la personne (l'esclavage), par la colonisation du mental (dogmes et croyances religieuses, philosophiques, idéologiques et scientifiques) et par la domestication de l'être émotionnel (les symboles et les rituels).

Tous ces moyens, nécessaires et efficaces, donc légitimes à un moment donné de l'évolution (c’est-à-dire avant l’âge de la maturité), deviennent de réels poisons quand a sonné l’heure de l’autonomie spirituelle indispensable à l’instauration de la démocratie.

Ici, il est important de faire une digression afin de préciser ce que signifie le terme « spirituel » que l’on confond souvent avec celui de « religieux ».

Le plan spirituel de la conscience, que nous désignons sous le vocable d’Inconscient universel, Soi ou Esprit, est le plan énergétique de réceptivité pure dont la conscience est l’organe de vision. Ainsi, la conscience ou

l'esprit humain est à l’esprit universel ce que l’œil physique est à la conscience.

Ce plan subtil de réalité est une partie intégrante de la conscience individuelle –sa dimension sacrée- qui n'a rien à voir avec les croyances, les dogmes, les symboles et les rituels qui ne sont que des moyens « religieux » dont la fonction est de "relier", par le biais de supports conceptuels et émotionnels, la conscience individuelle au plan unitaire et universel dont elle est coupée.

Est « religion » ce qui relie le visible à l’invisible, le physique au métaphysique, ce qui nous amène à constater que la seule religion universelle est la condition humaine par le fait même qu’elle marie en l’homme la matière à l’Esprit. Pour la religion universelle, le monde est le temple, le cœur de l’homme, le sanctuaire, tout ce qui se présente devant les yeux, un symbole, la vie sociale, un rituel et chaque être humain, un officiant. L’existence étant religion, les autres formes et expressions religieuses sont appelées à disparaître.

C’est donc par une lente évolution qui transfère l’autorité représentative, extérieure, vers l’autorité individuelle, intérieure, que la théocratie évolue vers la démocratie qui reconnaît une seule autorité suprême : celle de l’Inconscient universel, ou Soi profond en chacun. La démocratie donne à l’homme non seulement le droit, mais le devoir de penser, de parler et d’agir en accord avec ses propres convictions profondes, libre de toute idéologie ou de pensée imposée.

Ainsi, la démocratie libère l’individu de toute tutelle et autoritarisme extérieur. Les béquilles évolutives, tant exotériques qu’ésotériques, n’ayant plus de raison d’être, y deviennent de réelles dépendances, voire des drogues qui tuent l’autonomie spirituelle indispensable pour évoluer et s’épanouir selon sa vraie nature, ses réels besoins et ses légitimes aspirations.

L’évolution de la théocratie vers la démocratie met fin à la colonisation physique, mentale et émotionnelle : l’humanoïde domestiqué devient un HOMME LIBRE.

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ART & Démocratie, octobre 2003 (CC)