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Octobre 2001

N°6

Madame, Monsieur, Chers amis,

Vous trouverez à la page Questionnaire un spécimen du questionnaire que nous proposons aux visiteurs lors de nos manifestations Art & Démocratie. Ce document est susceptible d'évoluer avec le temps.

Temps de relâche administrative mais d'action sur le terrain, les mois d'été furent fructueux en prises de conscience favorisant d'importantes mises au point.
Visites, contacts et lectures nous ont donné un meilleur aperçu de l'étendue et de l'importance du grand chamboulement artistique et culturel qui a des répercussions jusque sur les bancs de l'école.
On est littéralement envahi par un nombre toujours croissant d'activités artistiques et culturelles (ou prétendues telles), et il est devenu impossible à tout un chacun d'avoir une vision d'ensemble, les médias ne faisant publicité et écho qu'à ce qui a été officiellement reconnu important.
Des confusions et des amalgames entre culture et art, entre phénomène de mode passagère et culture, entre dé-culturation et culture, sans oublier l'importance de l'argent et des intérêts purement politiciens, embrouillent à loisir les esprits et freinent le grand phénomène de mutation des sensibilités, indispensable au changement des mentalités.
Les récents événements survenus à New-York et Washington sont une exhortation mondiale à une remise en question profonde, tant au niveau individuel que collectif ; et la création artistique qui doit devenir l'activité centrale de l'élévation des esprits devra se placer au centre de cette remise en question généralisée pour pouvoir remplir sa fonction au service de l'humanité.
COMPTE-RENDU DES MANIFESTATIONS

Exposition organisée à la Villa Corèse, 15 cours Gambetta, à Aix-en-Provence, du 4 mai au 4 juin 2001.

"Rencontre" par l'Atelier 2013

Cette exposition a nécessité un investissement financier important, plusieurs jours de travail intensif de préparation et la mobilisation de tous nos effectifs tout le mois de sa durée, mais n'a pas accueilli le nombre de visiteurs escompté malgré une large publicité et la situation centrale de la salle où elle se tenait.
Il est vrai qu'au mois de mai, les grandes villes proposent une surabondance de prestations culturelles et artistiques et que les instances officielles et médias se réservent pour les activités qui s'inscrivent dans le calendrier " officiel ".

Tout a bizarrement commen-cé, une heure avant le vernissage, avec l'irruption agressive d'un sociologue ulcéré de savoir " son " questionnaire, " son œuvre d'art éphémère " détournée et indûment exploitée par nous. Cette intervention nous a beaucoup étonnés, ce questionnaire ayant été mis au point par notre collectif à partir de notre propre réflexion. Cependant, nous apprécierions vivement d'être contactés à nouveau par cette personne pour un échange constructif, les avis et conseils des sociologues nous intéressant au plus haut point.
Malgré les cinquante invi-tations adressées aux institutions scolaires, aucune visite d'écoliers n'a été organisée. Nous en concluons que notre approche des acteurs de l'Education nationale est à revoir.

Pendant la préparation de l'installation…

C'est toutefois avec plaisir que nous avons reçu deux groupes de retraités, ainsi que quelques adolescents placés dans un foyer de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, accompagnés de leurs éducateurs. Cela nous rappelle qu'en marge de la société il y a souvent de l'or dans des êtres qui ont rarement l'occasion de l'exprimer.
Quelques visites de spécialistes ont mis en évidence à quel degré l'intellectualisme et la théorisation ont envahi le domaine des Arts que certains ont soutenu " être réservé aux initiés… qui en ont les clés " !!!
Notre vraie joie fut de constater la fascination des enfants qui, dans la pureté de leur innocence, sont encore capables de découvrir et de s'émerveiller ; il était touchant de les voir revenir, les uns avec des amis, d'autres avec leurs parents, et d'autres encore avec leur professeur de dessin convaincu par leur enthousiasme.

"Une certaine vision de l'enfer"
EN BREF

A Paris, la collection des Arts Premiers au Musée du Louvre nous a littéralement émerveillés ! A ne pas manquer !!!

Un passage dans les galeries parisiennes les plus
importantes spécialisées dans l'Art contemporain
nous a laissé un sentiment de vide et d'ennui
profond. Une conversation avec un jeune galeriste, nouvellement installé dans le quartier du Marais - qui, en opposition avec le "chic" des galeries environnantes, a laissé ses murs à l'état de chantier- nous a éclairés un peu plus sur le milieu très spécial et en circuit fermé du marché parisien de l'Art contemporain dont on pourrait synthétiser l'approche esthétique en quatre mots : "rendre précieux le banal". Manipulation du symbolisme, perversion caricaturale du mariage des contraires.

Les Arts Premiers au Louvre Masque du poisson, Inuit, Alaska

Sous la houlette de Rosette Nicolaï , les premières assises culturelles de l'Institut Universitaire Professionnalisé (IUP), antenne arlésienne de l'université de droit, d'économie et de sciences (UIII), a réuni en quatre tables rondes quarante intervenants du milieu universitaire, mais aussi des professionnels et des institutionnels, qui se sont exprimés sur des thèmes aussi porteurs que "la démocratisation culturelle et artistique" et "la sensibilisation de nouveaux publics à l'art actuel dans des espaces d'exposition insolite", avec la notion d'échec dans l'art au centre des débats…, un "art de la banalité" dit "déceptif"… ( La Provence du 13.07.2001)

Une invitation de la municipalité de Roquebrussanne nous a permis de redécouvrir ce village typique et sympathique à travers l'accueil chaleureux de son sixième marché de la création. Nous y avons été enthousiasmés par l'initiative de M. Roland Noël qui anime un atelier de dessin B.D. pour enfants et dont le premier album collectif mérite des encouragements.

Bien que fondamentalement réfractaires à toute hypocrisie puritaine, nous n'avons nullement apprécié l'exposition publique d'œuvres soit-disant érotiques, parmi lesquelles des moulages de fellations à caractère pornographique : "créations" de jeunes femmes qui, jouant la carte de la libération, et avec l'appui des autorités, cherchaient manifestement à choquer certaines sensibilités. La nécessaire libération des mœurs ne devient, elle aussi, légitime que dans le respect des lois et le respect des autres. A ce propos, il est navrant de constater comment le domaine de l'expression artistique devient aussi la voie détournée pour légaliser l'exhibitionnisme, la violence, la cruauté. A quand le premier viol collectif comme "prestation" artistique ! ?

A Aix-en-Provence, certains d'entre nous ont bénéficié d'entrées gratuites à la générale de spectacles du festival d'Art Lyrique. Moments d'émotion et de joie intense, réservés malheureusement aux seuls nantis.

Dans le Limousin, nous avons visité le Centre d'Art contemporain de Vassivière, revisité le musée Lurçat à Aubusson, découvert les créations d'Anne Ferrer et quelques "installations" à l'Ecole Nationale d'Art et de Design (ENAD).

MANIFESTATIONS A VENIR
Ces derniers mois, notre calendrier a été totalement bouleversé.
Par manque d'effectifs nous avons été obligés d'annuler l'exposition prévue au mois d'août, à la " salle Pavillon" de la mairie d'Aix-en-Provence.
Les élections ayant apporté de notables changements dans les municipalités, plusieurs courriers nous sont revenus, d'autres sont restés sans réponse.
La commission culturelle de la municipalité de Vaison-la-Romaine a refusé notre dossier qui ne s'inscrit pas dans les " thèmes " prévus pour leurs activités.
Après étude de la situation, et afin d'éviter de grands frais de déplacement et de transport du matériel, le Conseil d'Administration a décidé de développer actuellement notre action dans les villages et les villes moyennes, dans un rayon de 100 à 120 km autour d'Aix-en-Provence. Cette nouvelle disposition nous donnera plus de chance de se faire connaître dans la région en bénéficiant plus facilement des échos dans les médias locaux, ceux des grandes villes étant littéralement submergés.
Suite à ces décisions, l'exposition de l'Atelier 2013 prévue dans le patio de l'Hôtel de Ville de Saint-Mandé, du 22 janvier au 1er février 2002, est remplacée par une exposition des œuvres de notre mosaïste Pascale Chaput.
Mosaïque en cours pour une œuvre collective de l'Atelier 2013
ECHANGE- REFLEXION

CRISE DE L'ART,
CRISE CIVILISATRICE

Par JOHAN ISSELEE

" La beauté sauvera le monde "
F.Dostoïevski

" L'art lève la tête quand la religion perd du terrain "
F.Nietzche

" Le vingt-et-unième siècle sera spirituel, ou ne sera pas " A.Malraux

EN ABANDONNANT RELIGION ET IDEOLOGIE, L'HUMANITE S'EVEILLE A L'APPROCHE ESTHETIQUE DE L'EXISTENCE

      On ne peut que le constater : l'art est en crise. Jamais autant de polémiques contradictoires sur son sens et sa fonction n'ont animé les débats. Lui, qui tout au long de l'histoire humaine, fut facteur d'élévation des esprits et d'unification sociale, est devenu source d'abêtissement et cause de fracture sociale : d'un côté les spécialistes et prétendus initiés, de l'autre les masses, que l'on considère incultes, que l'on traite avec mépris. L'art étant par nature et par vocation le champ d'expression de l'émotion, du désintéressement, de la liberté et, si besoin est, du non-conformisme nécessaire pour faire face à l'endormissement culturel, se voit actuellement colonisé par le système normatif par excellence : l'argent. L'argent qui transforme l'objet d'art en une marchandise, en un objet de spéculation financière dont seule la cote boursière garantit la pérennité. L'empire de la marchandisation s'est à tel point instauré dans ce secteur que ce n'est plus la valeur qui définit le prix, mais le prix qui fait la valeur.

      Cette grande crise qui agite les milieux de la création artistique depuis quelques décennies déjà est l'expression manifeste d'une crise civilisatrice traversée par l'Occident ; un Occident en quête de repères universels, indispensables à la réalisation concrète et effective de sa mission civilisatrice qui consiste à réaliser l'unité de l'humanité.

      Le grand chambardement socio-culturel dans lequel le domaine des arts joue un rôle central interpelle tous les acteurs de la vie sociale : hommes politiques, philosophes, sociologues, anthropologues, ethnologues et économistes se sentent concernés, preuve évidente que l'esthétique et la beauté ne peuvent plus être considérés comme de simples suppléments d'âme aux fonctions purement décoratives, elles touchent au sens même de l'existence.

      L'art actuel a rompu avec les critères et les clichés d'un esthétisme révolu pour petit à petit nous mettre face à des questions essentielles telles que la nature du réel, celle de la vérité, voire celle du sens même de l'existence. Ainsi, l'approche esthétique de la vie, par la voie de l'intelligence sensible, nous met tout naturellement face à des questions fondamentales que le mental spéculatif s'interdit de poser ou n'arrive pas à résoudre et qui, par le passé, trouvaient leurs réponses dans l'ésotérisme, la métaphysique et la religion. Ces questions doivent actuellement être examinées et résolues de façon objective et pragmatique. Le bon sens nous dicte que ce n'est qu'à partir d'une compréhension du sens de l'existence à la mesure de l'homme, accessible à tous et répondant aux besoins de l'épanouissement individuel que l'on peut espérer construire un contexte social équilibré, une société plus juste où chacun trouvera sa juste part de participation et de responsabilité. C'est le sens même de l'instauration de la démocratie universelle (1) nécessaire à l'éveil d'une authentique citoyenneté.

L'enseignement artistique, longtemps considéré comme le parent pauvre de l'éducation, mobilise actuellement les plus hauts responsables politiques au point que l'actuel ministre de l'éducation déclara lors de la présentation du plan des cinq ans pour le développement des arts et de la culture à l'Ecole (2) : " l'enseignement artistique est un apprentissage fondamental, un sésame pour les autres formes d'intelligence ".

      On assiste donc à un revirement total par rapport à un passé où seules les sciences exactes étaient considérées comme essentielles au développement humain. Que l'ouverture à l'esthétique devienne un jour dans l'enseignement laïque ce que le catéchisme fut à l'enseignement religieux -un apprentissage fondamental- n'a rien pour étonner si l'on comprend que sens religieux et sens esthétique ont le même fondement spirituel profondément inscrit dans l'inconscient universel (3) dont chaque être humain -consciemment ou non- est le porteur
Afin de comprendre les raisons profondes de l'actuel engouement pour le domaine de la créativité artistique, il est nécessaire de jeter un regard sur l'histoire de la civilisation du monde occidental.

      A la différence de la plupart des autres civilisations dont la culture, la morale et le contexte social ont été construits autour de critères d'ordre religieux et spirituels (supposés transcender les contingences du temps, facteurs de stabilité et de pérennité), la civilisation occidentale -malgré les indéniables influences du christianisme- s'est développée (tout particulièrement depuis les grandes révolutions) autour du phénomène du progrès qui, considéré comme une véritable source d'épanouissement et de bonheur, a détrôné les valeurs spirituelles.

      Si depuis longtemps les illusions du Siècle des Lumières et du scientisme se sont dissipées, l'Occident -qui petit à petit a imposé ses critères de civilisation à la terre entière- s'est inexorablement enlisé dans un matérialisme aussi méprisant envers les besoins de l'âme que certaines spiritualités l'étaient envers ceux du corps. L'état actuel de nos sociétés nous livre la preuve évidente que le progrès n'est pas sans danger. Loin de servir l'évolution des mentalités et l'acquisition d'une plus grande liberté, il a rendu l'homme esclave de ses inventions qui souvent dégradent sa qualité de vie pour finalement ne profiter qu'à une toute petite minorité.

      On est de plus en plus englués dans une mentalité égoïste où des élans humanistes sont détournés au profit d'intérêts privés, où l'arrivisme, avec son long cortège d'élitisme, d'ostracisme, d'abus, de recherche de profit et de pouvoir personnel a détrôné l'aspiration à la liberté et à la justice.

Il est clair que le progrès, qui est par définition même en perpétuelle expansion, ne saurait être une référence de stabilité sur laquelle construire une philosophie de vie. Si, à travers lui, l'homme n'a manifestement pas beaucoup évolué en humanité, c'est néanmoins grâce à lui que le monde s'est unifié et que le genre humain, en tant qu'entité, a pu devenir conscient de toute l'étendue de sa diversité. Il est incontestable que sans le développement scientifique et technique qui a permis de briser les barrières géographiques, raciales, religieuses et culturelles, certaines collectivités, voire des continents entiers, seraient en train de croupir dans la prison mentale de leurs traditions millénaires qui ne répondent plus aux besoins de l'évolution humaine cyclique, laquelle exige que l'humanité réalise son unité dans l'autonomie spirituelle en se libérant de toute dépendance métaphysique, qu'elle soit mystique, exotérique ou ésotérique.

      Depuis l'après-guerre, et spécialement depuis les événements de 68, un grand ébranlement social, moral et culturel a engendré une rupture totale et définitive avec les autorités traditionnelles, religieuses, étatiques et familiales. Situation qui plonge l'homme de l'an 2000 dans un monde sans repères, car ceux imposés par le mondialisme économique n'en sont pas pour la conscience.

      Cette grande crise civilisatrice est toutefois indispensable pour que la subjectivité humaine se décolonise des dogmatismes, des croyances et des rites de tout ordre qui, par le symbolisme qu'ils véhiculent, constituaient un pont formel entre le physique et le métaphysique, entre le conscient et l'inconscient universel. Ce grand phénomène de libération devrait amener chaque homme à réaliser par lui-même et en lui-même son autonomie spirituelle, c'est-à-dire son individualité, par le mariage intérieur et intime de son expression personnelle avec le plan unitaire de la conscience universelle. C'est à la réalisation de cette autonomie que répond la démocratie, gestion sociale en même temps que système initiatique d'éveil collectif dans lequel l'approche de la beauté sous toutes ses formes -physique, artistique, intellectuelle et morale- remplace la fonction du symbolisme structuré.

      En effet, l'émotion esthétique résulte d'une reconnaissance intuitive, d'un contact entre l'inconscient universel et la forme perçue. La beauté naît quand, à travers la personnalité, le plan unitaire de l'Esprit se reconnaît dans la forme. La beauté, tout comme l'amour sont des phénomènes purement subjectifs qui nous relient du dedans au plan universel, impersonnel et unitaire de la vie. Pour cette seule raison déjà, qui est essentielle, nier l'existence du beau, en imposer les critères, forger le goût, imposer le goût, mutile la capacité réceptive de l'âme, constitue une agression de la liberté de conscience en vue de laquelle la liberté d'aimer ou de ne pas aimer est fondamentale, puisque c'est la seule liberté qui soit réelle.

      Le grand danger auquel nous sommes actuellement confrontés est dans le fait que tout état de crise : guerres, révolutions et catastrophes naturelles, ouvre un champ d'action aux forces subversives et manipulatrices qui habilement exploitent à leur profit la déstabilisation et le désarroi. Ainsi a-t-on vu lors de la Révolution Française de 1789 l'Illuminisme bavarois, au service d'hégémonies politiques non avouées, noyauter la maçonnerie française, la chute du système marxiste donner champ libre à la mafia, la désaffection des religions traditionnelles ouvrir la porte aux intégrismes, à de nouvelles formes de spiritualité et à des sectes en tout genre. De même, l'effondrement de l'approche esthétique traditionnelle a donné naissance au phénomène de " l'art contemporain " et à son idéologie sous-jacente qui subtilement par ses mots d'ordre, ses thèmes et ses critères imposés, empiète sur la libre expression indispensable à une authentique créativité.

      C'est en flattant l'ego et en exploitant la cupidité de ceux que l'on cherche à manipuler, c'est par le matraquage médiatique, sans oublier bien sûr la millénaire culpabilisation et la marginalisation de tout ce qui n'obéit pas à l'idéologie imposée, que l'on instaure une nouvelle cléricalité exerçant son pouvoir hégémonique dans le domaine esthétique. Au pouvoir traditionnel religieux s'est substitué le pouvoir personnel de ceux qui se prennent le droit d'imposer leur subjectivité, leurs convictions et leurs goûts personnels, voire leurs névroses, comme référence d'universalité.

      Espérons que tous ceux qui œuvrent à l'ouverture des esprits et des sensibilités à l'approche esthétique de l'existence sauront éviter le grand piège du dirigisme qui, à plus ou moins long terme, dégénère en fanatisme, en fascisme. Le mal n'est jamais dans les vérités ou les valeurs que l'on cherche à imposer, mais dans le fait de chercher à les imposer.

      Bien comprise, bien vécue et bien traversée, la crise de l'art fera de la beauté, sous toutes ses formes et sous toutes ses expressions, le fondement de l'éveil à l'approche désintéressée de l'existence tout en œuvrant à l'individuation et à l'autonomie spirituelle, fondements d'une authentique responsabilité.

(1) Il y a une différence fondamentale entre Démocratie et République. Toutes les deux désignent des structures sociales basées sur le gouvernement du peuple par le peuple, mais fondent leurs principes et structures sur deux niveaux de conscience différents, voire opposés.

La République se réfère à la subjectivité et au désir, la Démocratie à l'inconscient universel (fondement de la conscience humaine) et à la sagesse. Pour y voir clair, il suffit de comprendre ces deux notions à la lumière de leurs contraires, la république étant le contraire du royaume, la démocratie le contraire de la théocratie.

A l'origine, les royaumes se constituaient autour de la personnalité du roi ; on considérait qu'il était de sang, donc d'origine différente de ses sujets dont il était le cœur et l'esprit, symbole vivant de leur unité : " Nous, le Roi ". Pour certains, la race royale serait d'origine divine (?) issue d'un mélange d'extra-terrestres et de terrestres (?) et qui parfois se distinguait par certaines particularités physiques (voir l'histoire des Mérovingiens). Quoi qu'il en soit, le royaume se construisait autour de la personnalité et du désir du roi qui faisait office de Loi : " Que veut le roi, le veut la loi ". Le roi était le propriétaire du royaume, le suprême juge ayant droit de vie et de mort sur ses sujets et donnant à son règne les caractéristiques culturelles de sa propre personnalité ; il y eut des règnes belliqueux, d'autres où les arts fleurirent et d'autres où les sciences et l'économie tinrent une grande place.

La république, qui refuse toute légitimité politique au sang et à la filiation, se construit et se développe autour du désir du peuple. Désirs opposés qui se fondent sur des intérêts contradictoires : spiritualistes-matérialistes, individualistes-collectivistes, clivages d'où sont nées les classiques droite et gauche caractérisées par le libéralisme et le collectivisme. Ainsi, la gestion d'une république démocratique devient une conflictualité réglée par la voix des urnes où la minorité se soumet au désir de la majorité… en attendant sa revanche. Telle que l'actualité nous le démontre, l'âme humaine étant ce qu'elle est, et l'hégémonie mondialiste aidant, ce régime se transforme finalement en un simple jeu de " pousse-toi-que-je-m'y-mette ", la décision du peuple ne profitant qu'à ceux qui, par le biais de sociétés secrètes, imposent -pour le meilleur et pour le pire- leur idéologie, leurs principes et leurs hommes-clés. " Divide et impera ". Diviser pour régner. Système tout sauf démocratique où une supposée élite impose directement et indirectement sa vision des choses et sa volonté à l'ensemble de la société.

La théocratie et son contraire la démocratie, ont toutes deux le même fondement : le plan spirituel, l'inconscient universel. Elles partent de la reconnaissance qu'Esprit et Matière sont les deux expressions, les deux polarités opposées de la réalité-une. L'Esprit (c'est-à-dire le plan des énergies pures, le fondement de la conscience) est l'expression la plus subtile de la matière, tandis que la matière est la forme la plus dense de l'esprit. Selon cette approche non dualiste de la réalité, l'homme peut réaliser son unité individuelle et collective en allant de l'esprit vers la matière ou de la matière vers l'esprit.

Dans la théocratie, qui emprunte la première voie, l'autorité suprême, le pontife, le prêtre, le prophète ou l'illuminé -grâce à sa réceptivité psychique- est supposé traduire pour les masses encore engluées dans l'animalité, voire dans la bestialité, la loi du plan universel de la conscience : Tout est Un, Tout est en tout. Ainsi naissent les croyances, les religions et les morales adaptées au temps, au lieu et au niveau d'évolution. Ce système par nature très hiérarchisé a donné naissance aux castes et aux religions correspondantes, souvent liées traditionnellement à des métiers ou à des fonctions sociales.

La démocratie instaure l'unité entre les deux polarités en partant de la matière vers l'Esprit. Elle trouve son origine dans un schisme religieux qui eut lieu aux Indes environ 3000 ans avant notre ère et qui, pour éviter tout affrontement sanglant avec les théocrates, provoqua une gigantesque émigration de populations de démocrates (fait connu sous le vocable de l'invasion des pasteurs) qui furent au Moyen Orient à l'origine de l'empire babylonien.

Des religions démocratiques, exotériques comme le culte de Cybèle et d'Attis, ou initiatique comme le Mithracisme, ont transporté, à travers la maçonnerie anglaise jusque dans nos mairies, le fameux bonnet phrygien, symbole initiatique et religieux, couvre-chef de l'homme unifié, c'est-à-dire qui a réalisé en lui le mariage entre les forces cosmiques et terrestres.

La démocratie que le monde attend, bien plus qu'un simple système de gestion sociale, est en même temps un système initiatique d'éveil collectif qui fait appel à l'inconscient universel présent en chacun. C'est ce plan d'identité spirituelle, intérieur et individuel, qui devient la référence commune, l'autorité suprême et unique, réel fondement de la dignité humaine et de l'égalité entre les hommes. Dans une démocratie c'est par le mariage du conscient à l'inconscient universel que se réalise l'individualité, en même temps que l'unité du peuple et de l'humanité.

C'est à ce plan de conscience que se réfère l'article 353 du Code de procédure pénale qu'évoque le juge lorsque qu'il invite les jurés à s'interroger " dans le silence et le recueillement "…, " dans la sincérité de leur conscience ", plan de conscience qui de toute évidence se situe au-delà de tout désir et qui, dans une démocratie, devient la référence pour la gestion de toutes les affaires de la cité.

Ainsi, la Démocratie veille à l'épanouissement de l'individu d'où découle une authentique citoyenneté, en dehors et au-delà des clivages et des luttes partisanes, au-delà de toute idéologie.

L'approche démocratique du sens civique qui se fonde sur l'épanouissement individuel se distingue donc fondamentalement de l'approche républicaine qui est purement idéologique : " Les Républicains, héritiers des idéologues ont toujours considéré que l'éducation avait un rôle primordial dans la formation intellectuelle du futur citoyen. Cela nécessite évidemment la transmission des idées des Lumières mais aussi l'apprentissage du positivisme qui se traduit par l'apparition d'un esprit critique et rationnel. Jules Ferry, disciple spirituel d'Auguste Comte, le fondateur de la pensée positiviste, s'attachera toujours à ce que l'école républicaine et laïque suive ce modèle. Dès lors, l'école devient une formidable machine à produire des citoyens sans veiller à un quelconque épanouissement des enfants mais cherchant avant tout à inculquer des valeurs humanistes, la fameuse morale républicaine. Déjà, des libéraux comme Tocqueville avaient critiqué cette démarche dans laquelle ils pensaient voir le germe du despotisme. Mais les républicains ont toujours estimé que de telles méthodes étaient néanmoins nécessaires pour garantir une formation intellectuelle de haut niveau à chaque citoyen et ainsi assurer le respect des droits de l'Homme et des libertés individuelles. "*

* Notes de lecture Janvier 1996 par Sarah Marston-Nicholson et Jérôme Bouteiller sur " L'idéologie républicaine en France " par Claude Nicolet. RETOUR

(2) Le plan de cinq ans pour le développement des arts et de la culture à l'Ecole porte sur onze disciplines et concerne en priorité l'école primaire où tous les élèves seront concernés par la mise en place de " Projets Artistiques et Culturels ". Son objectif principal est de " généraliser les pratiques artistiques et d'étendre l'accès à la culture ", afin que " le droit à l'art soit reconnu réellement pour chaque enfant de France ". Vingt mille classes à PAC devraient être mises en place dès la prochaine rentrée scolaire dans les écoles primaires. Un budget de 263 000 000 francs (40 094 091 euros) sera consacré à l'éducation artistique. RETOUR

(3) L'inconscient universel, appelé traditionnellement Esprit ou Soi, bien qu'il soit collectif, est impersonnel et se situe au-delà de la subjectivité humaine. Il désigne le plan des énergies pures dont la conscience humaine est issue et n'en est que l'écho dans le moi, la personnalité physique et animique.

Le physicien G. Feinberg utilisa la théorie de la relativité pour démontrer l'existence de particules se déplaçant plus vite que la vitesse de la lumière et présentes de l'autre côté du mur de cette même vitesse.

Dénommé Champ d'Energie Tachyonique (C.E.T.), ce champ de cohérence énergétique où le temps et l'espace humainement connus cessent d'exister, contiendrait instantanément et spontanément présent en tout point l'ensemble des informations -passé/présent/avenir- de tous les événements et champs de conscience présents dans l'univers depuis l'aube de sa création. Le fait que l'existence de ces particules, qui auraient une énergie et un mouvement réels, n'ait pas encore été démontré, repose sur la constatation que l'on ne sait ni comment ni où les observer.

Les travaux de Régis Dutheil*, physicien et biophysicien français, nous expliquent comment la conscience même de l'homme semble issue de ce champ et semblerait invariablement y retourner : l'homme n'étant que la résultante d'une information primaire présente dans ce champ. A l'opposé de la matière qui tend vers l'entropie (le chaos), le C.E.T. tend vers la néguentropie c'est-à-dire vers un ordre de plus en plus parfait.

Ce plan d'énergie pure n'est pas à confondre avec l'inconscient freudien qui désigne les régions inconscientes du subconscient, individuel et collectif, zones de refoulement en conflit permanent avec la conscience objective.

Les récentes découvertes de S. Dehaene de l'INSERM** mettent en évidence que l'inconscient universel, non seulement enregistre des messages subliminaux, mais accède au sens des mots, raisonne, et induit à l'action de façon inconsciente. A la différence de l'inconscient freudien, le raisonnement de l'inconscient universel se révèle être en accord avec le raisonnement objectif. *

Dutheil " L'homme superlumineux " Editions SAND. ** Sciences et Vie N°975 page 77.

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A propos de l'auteur :
JOHAN ISSELEE
Professeur d'Arts Plastiques
Artiste peintre-plasticien-installateur.
Philosophe
Président d'ART & Démocratie

La page 42 des annexes de la présentation du plan de cinq ans pour le développement des arts et de la culture à l'Ecole, éditées par le Centre National de Documentation Pédagogique le 14 décembre 2000, nous annonce qu'un colloque international sur le thème " Intelligence de l'art et culture religieuse aujourd'hui ", organisé avec le ministère de l'Éducation nationale par l'École du Louvre et la commission pour la sauvegarde de l'environnement du patrimoine cultuel au sein du ministère de la Culture et de la Communication, est en préparation pour 2002.