Madame, Monsieur, Chers amis,

 

A ceux qui se sentent concernés par le sort de l'humanité, l'après 11 septembre 2001 a permis de prendre conscience que, par une désinformation orchestrée et institutionnalisée, on cherche à masquer le fait que le monde est entré dans la lutte finale pour l'hégémonie mondiale. Lutte armée et économique, certes, mais aussi et surtout lutte occulte d'ordre spirituel qui vise la mainmise sur les consciences. Tous les moyens sont bons pour empêcher l'individu de réaliser son autonomie : mensonges, flatterie, intimidation, culpabilisation et chantage. C'est dans cette lutte que la rhétorique esthétique et le discours sur l'art deviennent, tout comme le fut par le passé la rhétorique dogmatique et métaphysique, l'ARME par laquelle on peut exercer une mainmise sur l'être émotionnel -la porte du cœur- qui donne accès à l'universel.

La réalisation de la démocratie mondiale est liée à deux conditions : le monde doit être prêt -et il l'est, c'est évident !-, mais surtout il est indispensable que ceux qui dirigent les instances métaphysiques et étatiques, que les tenants de l'autorité et du pouvoir, aient l'humilité, l'intelligence et la force morale nécessaires pour se remettre en question, pour lâcher prise avec leur illusoire supériorité et acceptent d'abandonner leurs prérogatives et avantages. Ce qui est beaucoup moins évident !

Le but d'ART & Démocratie est de contribuer, à sa mesure, à œuvrer pour le respect de l'individu dans son intégralité ; dans ce sens, la libre approche de la beauté et de la création joue un rôle essentiel.




 

 

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU 2 FÉVRIER 2002


Rapport moral du Président :

Après avoir tiré des conclusions sur les difficultés rencontrées dans la recherche de salles d'exposition et sur les problèmes concernant le contact avec les écoles, le Président a rappelé une nouvelle fois l'état d'esprit et le but de notre action : servir la démocratisation réelle de l'art en donnant aux citoyens le moyen d'exprimer librement leur avis sur toute création artistique. Avis dont les instances officielles, dans une démocratie, se doivent de tenir compte. Il a été souligné que compte tenu de la situation mondiale, une remise en question profonde s'impose tant aux artistes qu'aux gouvernants. En comprenant que dans le monde à venir, le domaine esthétique remplacera celui de la métaphysique et de la religion, on voit le danger que représentent les manipulations qui pourraient pervertir le domaine de la créativité dont la fonction est d'éveiller et d'élever l'humanité à une approche moins égoïste et moins possessive, mais plus esthétique et contemplative de l'existence.



Rapport financier du trésorier :


Rapport administratif du secrétaire :

La gestion administrative de l'année écoulée a permis d'équilibrer le travail entre les membres de l'équipe : Danièle Dufour (secrétaire-adjointe), Hervé Leprêtre (responsable de communication), Pascale Chaput (responsable de la mise en forme des maquettes et du bulletin d'INFORMATIONS), Martine Peter (pour l'édition de la photocopie), Monique Colletti (pour les envois), Fabrice Bonin (pour la mise en page du site Internet). Le fichier informatisé des membres et des contacts a été mis en place.

Votes inscrits à l'ordre du jour :

1 - Les membres actifs, les seuls ayant droit de vote, ont à l'unanimité donné quitus au Conseil d'Administration pour sa gestion administrative et financière pour l'année écoulée.

2 - Les membres du Conseil d'Administration ont été reconduits pour un an dans leur fonction respective. Le Conseil d'Administration demeure constitué par les personnes suivantes : Président : Johan ISSELEE - Secrétaire : Jean GANDON - Trésorier : Alia FAKHRY.

3 - Deux personnes, parmi les membres actifs volontaires, ont été désignées pour procéder à la vérification de la comptabilité de l'Association pour l'exercice 2002 et établir leur rapport avant la date de la prochaine Assemblée Générale.

Les personnes présentes ont été ensuite conviées à partager, autour d'un buffet, un moment d'échange dans les locaux du Centre associatif d'Aix-en-Provence au Ligourès.

COMPTE RENDU DES MANIFESTATIONS

L'exposition des mosaïques de Pascale Chaput qui s'est déroulée du 22 janvier au 1er février 2002 dans le patio de la mairie de Saint-Mandé était la première expérience d'une exposition privée réalisée dans le cadre d'ART & Démocratie. Selon la charte, l'artiste qui adhère à l'association, est de fait membre actif : il doit contribuer - dans la mesure du possible - à promouvoir son action en proposant aux visiteurs une présentation de l'association ART & Démocratie ainsi qu'un questionnaire.

Ainsi, à l'entrée de l'exposition, une table était réservée à l'association : On pouvait y voir le questionnaire pour les adultes, le questionnaire pour les enfants, les dépliants, l'urne et les fascicules à consulter. Un livre d'or a été mis à la disposition des visiteurs pour recueillir les impressions et les cordonnées des personnes qui souhaitaient être informées des prochaines expositions de l'artiste. Le rôle du questionnaire et celui du livre d'or ont été bien distincts et complémentaires.
Cette exposition-vente a accueilli sur 10 jours près de 370 visiteurs dont 40% ont bien voulu répondre au questionnaire.
Après dépouillement, nous avons remarqué qu'un grand nombre de visiteurs (56%) fréquente souvent ou très souvent les expositions. Globalement on peut dire qu'ils ont beaucoup apprécié cette exposition et ont été touchés par le travail présenté. Quant à la question : " que pensez-vous de l'initiative de ART & Démocratie ?" , les réponses des visiteurs sont satisfaisantes et plutôt encourageantes : 70 % répondent très bien et 25 % répondent bien.

 


EN BREF

COMPTE-RENDU DE LA CONFÉRENCE PÉDAGOGIQUE :

Aux Pennes-Mirabeau, la conférence pédagogique du 7 novembre 2001, animée par M. Jean-Claude Lallias de la Mission de l'éducation artistique et de l'action culturelle, à laquelle ont assisté des enseignantes membres d'ART & Démocratie, a révélé une fois de plus le gouffre qui sépare les décideurs politiques de ceux qui sont sur le terrain. Devant un public de quelques 300 instituteurs et professeurs d'école distraits, démotivés, faisant simplement acte de présence (obligatoire !), M. Lallias -consultant au Ministère de l'Éducation nationale- s'est évertué à donner quelques repères théoriques sur les enjeux des pratiques artistiques à l'école, conçues comme une rénovation irréversible dans l'approche des apprentissages. L'absence visible d'adhésion des auditeurs, face à ce qui devrait constituer une "reconversion de l'école sur des valeurs et une recherche de sens", laisse à prévoir les difficultés que va poser la mise en œuvre concrète du Plan de cinq ans pour les arts et la culture à l'Ecole.

SITES INTERNET :

Le nombre toujours grandissant des sites Internet à propos de l'Art nous montre que de plus en plus de personnes se sentent concernées par la place qui lui est donnée, son évolution et les inévitables dérives dans le monde culturel.
Voici une réflexion qui est dans la mouvance de notre action. Ce passage est extrait du site ci-dessous dont l'auteur est Philippe Declerck, maître de Conférences à l'Université d'Angers :
Histoire de l'Art…Impertinente / Sociologie du Monde de l'Art/ Galerie virtuelle
http://perso.worldonline.fr/declerck/

" La démocratie en Art ? Cela marche ! "

En dehors des possibilités de démocratie très directe du type "bulldozer-emprunté-sur-le-chantier-d'à-côté" (pas si rare que cela comme le montre l'exemple du parc des Écrins dans les Alpes françaises...), des possibilités plus globales existent comme les référendums largement pratiqués en Suisse. Le référendum de 1967 du canton de Bâle montre clairement que la démocratie en arts marche. Il portait sur l'acquisition de deux tableaux de Picasso appartenant à des particuliers, nécessitant une dépense budgétaire supplémentaire. A cette époque, nombre d'amateurs d'art s'étaient émus de voir une telle décision confiée aux "masses incultes" (c'est à dire vous !). Mais le vote a été favorable et Picasso, touché par l'issue du référendum, offrit deux autres tableaux ainsi que deux dessins. Picasso était peut-être plus sensible à l'opinion de la population de Bâle qu'à l'opinion des spécialistes !
Une possibilité qui a également marché dans le passé pour des musées et des théâtres new-yorkais ainsi que des théâtres canadiens, est celle des bons permettant aux personnes intéressées d'assister à prix réduit ou gratuitement aux manifestations culturelles. Les institutions remettraient les bons reçus à l'administration qui modulerait les subventions selon la quantité et des lois à déterminer. Cela permettrait de tenir compte un peu de l'avis du public et de mettre une certaine concurrence entre les institutions. Les politiciens et les décideurs seraient libérés de l'épineuse responsabilité de l'estimation de la valeur culturelle des oeuvres, des institutions...
Ces exemples montrent la viabilité d'une démocratie en arts. Les artistes se sont enfin manifestés récemment en France pour plus de transparence et plus de démocratie. Le public peut également se réveiller. Je suis à la recherche de toute information sur ce sujet afin d'étayer mon site.

Philippe Declerck

philippe.declerck@istia.univ-angers.fr
philippe.declerck@worldonline.fr


COLLOQUE ARCHITECTURE ET PEDAGOGIE :

Le 31 janvier 2002, un colloque s'est tenu à la Sorbonne sur le thème : "Architecture et Pédagogie". Il s'agissait entre autre de définir la place de l'Ecole dans la ville. Un débat a été consacré aux espaces pour l'art et la culture dans les écoles et à la pertinence de leur ouverture dans la ville.

 

NOTRE NOUVEAU SITE INTERNET

http://www.artetdemocratie.com - Email : contact@artetdemocratie.com

 

 

 

 

MANIFESTATIONS A VENIR

Plusieurs démarches sont en cours auprès des services culturels de communes environnant Aix-en-Provence : Meyreuil, Venelles et Bouc-Bel-Air...
Lors de ces contacts, nous sommes toujours étonnés que la simple évocation du terme Démocratie fasse parfois naître des réticences chez les notables pour qui cette notion est assimilée à une prise de position politique. N'est-il pas évident que démocratie et citoyenneté, par définition même, transcendent les positions partisanes des partis politiques ?
Par contre, nous constatons avec joie que notre action intéresse le monde enseignant qui y découvre une aide concrète dans l'application de son programme éducatif.

 

Une exposition des œuvres de l'Atelier 2013 aura lieu à Eguilles (13), à la mairie,
salle Frédéric Mistral,
du mardi 23 avril au mardi 30 avril

de 10h00 à 12h30 et de 14h30 à 18h00
tous les jours sauf le dimanche

Vernissage : mercredi 24 avril 18h30

   
 
ECHANGE-REFLEXION

 

"CRISE DE L'ART, CRISE CIVILISATRICE"
(suite)

A la suite de l'article paru dans les INFORMATIONS N°6, de nombreuses questions et remarques nous ont été adressées. Vous trouverez ci-après un complément bibliographique au sujet de l'histoire des religions et de la manipulation occulte, ainsi que nos réponses aux questions et remarques les plus importantes.

"EXAMEN D'UN OUVRAGE PHRYGIEN" 3ème tome des Religions Universelles par Dupuis.
"TRAITE ELEMENTAIRE DE SCIENCE OCCULTE" par Dr. Gérard Encausse (Papus).
"HISTOIRE PHILOSOPHIQUE DU GENRE HUMAIN" par Favre d'Olivet.
"LA TERRE ET SON HISTOIRE SECRETE" par Saint Yves d'Alveyrde.
"LE CYCLE DE L'HUMANITE ADAMIQUE" par Jean Phaure.
"SPARTACUS WEISHAUPT Fondateur de l'Illuminisme de Bavière" par l'Abbé Barruel.
"LA GUERRE OCCULTE" par Copin Albancelli.
"LES GOUVERNANTS INVISIBLES" par Serge Hutin.
"MITHRA, le dieu mystérieux" par Martin Vermaseren.


Le bonnet phrygien :

Le bonnet phrygien, comme de nombreux couvre-chefs et coiffures de l'antiquité, reproduit la forme du courant énergétique qui se déploie au-dessus de la tête lorsque s'unissent les énergies du Soi spirituel et celles de la personnalité terrestre. La licorne symbolise ce même phénomène d'harmonisation des énergies cosmiques et terrestres.


L'expression "mission civilisatrice", relevée dans le paragraphe deux, n'est pas à confondre avec "action colonisatrice". Tout au long de l'histoire humaine, des civilisations et des traditions se sont succédées et influencées. Toutes ont connu une naissance, un apogée et un déclin. Il est évident que le processus actuel de démocratisation et de propagation des droits de l'homme est d'inspiration occidentale et son but est de libérer, au niveau planétaire, la conscience individuelle de l'emprisonnement et de la soumission spirituelle, psychologique et physique, propres à tous les systèmes traditionnels de gestion sociale. La libération de la conscience de toute tutelle extérieure, tant métaphysique qu'étatique, est indispensable pour que l'autonomie et la responsabilité, c'est-à-dire la soumission à l'autorité en soi, remplacent définitivement la dépendance et l'obéissance à une quelconque autorité extérieure.


Actuellement, il n'existe aucun pays où règne une véritable démocratie, le pouvoir étant partout aux mains d'une prétendue "élite", elle-même au service d'une idéologie ou d'une oligarchie. S'il existe des républiques démocratiques, comme il y a des royaumes démocratiques c'est-à-dire des régimes étatiques qui tendent vers la démocratie, le pouvoir reste entre les mains d'une classe dirigeante (1). Personne n'ignore que la terre entière est soumise au mondialisme économique (2), lui-même soumis aux maîtres occultes qui, par le biais des multinationales et des sociétés secrètes, mènent le monde vers un fascisme planétaire. Plusieurs spécialistes constatent que l'extension géographique de la démocratie s'accompagne d'une régression des principes démocratiques fondamentaux comme celui des acquis sociaux et des libertés individuelles (3). Ce qui démontre que c'est sous la bannière de la démocratie que l'on mène le monde vers un Nouvel Ordre Mondial totalitaire.


Quelques lecteurs s'étonnent de l'engouement soudain des hommes politiques pour le monde de l'Art, et rappellent que c'est le même ministre, qui en 1986 appelait la culture à devenir "une nouvelle branche industrielle, au même titre que l'informatique, la sidérurgie ou l'automobile", affiche aujourd'hui une volonté de rupture avec la considération que l'art est un supplément d'âme dans le système éducatif.


Il ne faut jamais perdre de vue qu'un grand nombre de personnalités occupant des postes de pouvoir pensent et agissent -directement ou indirectement- sous l'autorité métaphysique exercée par certaines sociétés secrètes qui se sont investies de la "mission" de préparer le monde à un changement d'état de conscience, qui mènerait à une approche "autre" du réel ! Pour s'en convaincre, il suffit de constater les prétentions "initiatiques", celles à "l'éveil spirituel", ou celles "à la transformation radicale de notre façon de penser et de voir le monde" qui caractérisent certaines manifestations culturelles et artistiques comme " La beauté en Avignon 2000" dont le commissaire général Jean de Loisy déclare : "La beauté est aujourd'hui un processus dynamique qui nous oblige à réinventer notre relation au monde et à inventer sans cesse des signes nouveaux". Certaines de ces interventions sont une véritable ingérence dans la conscience qui frisent la manipulation mentale et cherchent à inculquer une idéologie progressiste de l'esthétique, dont le dogme de base est par ailleurs clairement défini : "Il n'y a beauté que s'il y a invention de langages nouveaux" déclare ce même Jean de Loisy . Cette affirmation ignore le fait que la beauté est un phénomène purement subjectif et qu'un changement de niveau d'approche du réel ne dépend pas de la nouveauté de la forme perçue, mais du changement de niveau de conscience avec lequel on aperçoit le déjà connu : "Ce n'est pas d'apercevoir le premier quelque chose de nouveau, mais de voir comme d'un œil neuf la vieille chose depuis longtemps connue que tout le monde a déjà vue sans la voir, qui distingue les esprits vraiment originaux". (Nietzsche Humain, trop humain II). Dans le même registre, le critique d'Art P. Restany, fondateur du nouveau réalisme qui préconise lui aussi "une nouvelle approche du réel", déclare dans le premier manifeste du mouvement : "L'Homme, s'il parvient à se réintégrer au réel, l'identifie à sa propre transcendance qui est émotion, sentiment et finalement poésie, encore". Cette autre appréhension du réel dont il est fréquemment question dans le discours esthétique actuel consiste en une approche non spéculative, sensible et désintéressée de l'existence et exige la réactivation des centres nerveux du cerveau droit, dans un monde où l'instinct possessif a inhibé l'instinct esthétique. L'éveil à l'approche sensible des phénomènes demande que l'on s'abstienne de toute rhétorique et logomachie par lesquelles on ne cherche qu'à donner du sens, là où le sens est absent. " Le peintre n'a qu'à se taire. C'est à ses tableaux de parler" (Maurice Pirenne, peintre belge 1872-1968). Chercher à "imposer" le goût, à "forcer à aimer" par des discours volontaristes et trompeurs, relève de la pure démagogie et constitue une entrave au "lâcher-prise" indispensable à la véritable contemplation. Plus d'un fait nous démontre que dans ses mobiles et ses intentions profondes -rarement avoués- l'idéologie qui sous-tend l'art actuel est intimement imbriquée à la métaphysique.


Notre approche, si elle est a-religieuse et a-confessionnelle, n'est pas pour autant anti-religieuse. Elle prend en considération, tant la dimension spirituelle que matérielle de l'existence ; elle n'est ni spiritualiste ni matérialiste, mais elle est réaliste.
Si nous envisageons la disparition de toutes les croyances religieuses, de toutes les approches ésotériques et métaphysiques de la vie, c'est parce que nous considérons que la seule religion, c'est-à-dire le seul domaine qui relie l'invisible au visible, l'Esprit à la matière, est l'existence même : la condition humaine est religion, le monde en est le temple et le cœur de l'homme le sanctuaire.
C'est dans ce contexte véritablement universel que le phénomène de la beauté, qui est d'ordre métaphysique, devient le messager entre l'Inconscient universel et le monde matériel.


Dans notre prochain bulletin d'Informations nous développerons les fondements et la structure de la démocratie, ce qui nous permettra de mettre en lumière les mobiles profonds de la lutte spirituelle qui oppose Républicains et Démocrates, qui oppose ceux qui luttent pour l'instauration de la République mondiale et ceux qui œuvrent à l'avènement de la Démocratie mondiale.


(1) Lire : Le gouvernement invisible - Naissance d'une démocratie sans le peuple - par Laurent JOFFRIN - Editeur Arlea.
(2)"Écueils de la mondialisation" de Riccardo PETRELLA.
(3) Lire dans le Monde du dimanche 3 février 2002 :"On commence à sortir de la tradition monarchique


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Le sens esthétique en tant que réalité spirituelle

Par Jules de GAULTIER*


" Édifier l'œuvre en vue d'une catastrophe " écrivait NIETZSCHE vers la fin de l'année 1887(1). Une telle préméditation, à laquelle les événements survenus un quart de siècle plus tard devaient conférer un accent prophétique, se retrouve dans le grand ouvrage de SPENGLER, dans ceux du comte de KEYSERLING, de René GUÉNON, de Nicolas BERDIAEV. Les dernières études que j'ai publiées moi-même dans la Revue philosophique et dans le Mercure de France relèvent de la même inquiétude. Elles laissent place toutefois à une hypothèse favorable dont le joueur qu'est l'homme à la table de son destin ne saurait rejeter l'espérance avant d'en avoir supputé les chances. Sa réalisation ne dépend pas de nous, mais nous avons fait si mauvais usage de notre volonté, que nous avions placée sous notre dépendance, qu'il ne semble pas raisonnable d'accorder quelque crédit à ce qui ne dépend pas de nous. Que ce soit aux virtualités d'une Expérience qui, s'étant manifestée dans l'homme sans son concours, peut y développer, également sans son concours, des éléments propres à conjurer la menace qui semble actuellement peser sur son destin.

La dernière guerre étant le symptôme où les hommes ont pris conscience de la menace, je me suis appliqué à rechercher, non les causes occasionnelles qui l'ont déterminée -œuvre d'historien- mais la causalité métaphysique qui fait de la guerre la conséquence fatale de la conception que les hommes de notre civilisation d'occident se sont formés de l'existence et du rôle qu'ils y jouent.

I.

Lorsque, dans le jeu de l'Expérience -experientia sive Deus - à la suite d'une improvisation subconsciente où se nouent toutes les relations entre les forces physico?chimiques, l'homme apparaît au cours de l'évolution biologique, il se distingue de tout le reste par ce fait que l'Expérience réalise en lui dans la Conscience la connaissance d'elle-même qui la conditionne, à défaut de laquelle elle n'existerait pour elle-même ni pour personne. Ce qui est spécifique dans l'homme c'est la conscience en tant que connaissance du monde et de lui-même. Mais de ce que l'improvisation de l'Expérience s'est poursuivie à travers lui, compliquée de la sensation du plaisir et de la douleur, il a pris la connaissance qu'il avait de ces changements, où l'Expérience continue d'évoluer pour le pouvoir de les provoquer et de les diriger à sa guise et il a entrepris de réformer ce monde imparfait qui apportait à sa sensibilité, dans l'ordre des sensations élémentaires du jouir et du souffrir, plus de peine que de plaisir. Au jeu de l'Expérience, qui n'a trait qu'aux conditions d'existence du réel, indissociables des conditions du bonheur, il a opposé la présomption d'un bonheur humain, conçu en considération des seules sensations du jouir et du souffrir. Tel est le thème de l'erreur sur la fonction de la conscience selon lequel s'est développé tout le scénario de notre civilisation d'Occident et qui, aux époques religieuses, s'est exprimé dans le mythe de la chute et du péché originel. La conscience, organe de vision, y a été prise pour un pouvoir de réformer le monde. Le jeu de l'Expérience va à résoudre la contrariété des sensations élémentaires du plaisir et de la douleur en la synthèse d'une sensation supérieure qui métamorphose ces sensations antagonistes en une sensation unique de joie où l'activité de la conscience dans la vision atteignant sa plénitude s'élève à la contemplation. L'homme prétend résoudre cette contrariété sans l'intervention de cette réalité supérieure. Mais tandis qu'il se flatte de disposer la nature des choses de façon que celles?ci n'apportent à sa sensibilité que des joies, il se heurte à la nature de sa propre sensibilité qui ne s'exerce que dans la relation du jouir au souffrir en sorte que tous les motifs qu'il lui procure d'éprouver du plaisir ne font que déplacer ses exigences sans la pouvoir rassasier. Dans son entreprise d'exploitation de la nature au profit de son bien-être, l'homme secondé par la science a réussi au-delà de ses espoirs les plus optimistes. Mais l'élasticité psychique, engendrant le caractère insatiable de sa sensibilité a fait de ses succès des victoires à la Pyrrhus. En subordonnant sa satisfaction à la possession de certains biens qu'il a contraint le monde extérieur de lui procurer, il n'a pu, par la production de ces biens, combler une sensibilité indéfiniment extensible, mais il a développé en lui le sens possessif sur le même rythme indéfini auquel répond le caractère hystérique du besoin. Cela fait que le besoin n'est pas une mesure fixe. Exploité par le sens possessif, le progrès scientifique en aiguise la cupidité plus sûrement et plus vite qu'il ne lui procure les biens propres à l'assouvir. Le tonneau des Danaïdes voit sans cesse s'élargir la fissure par où s'épuise sa plénitude… Une civilisation fondée sur le thème de ce mythe métaphysique porte en elle-même les causes de sa ruine. Constamment attisé, constamment déçu, le sens possessif exaspéré par la disproportion croissante entre son avidité et des biens propres à le satisfaire se mue, aboutissant à sa conséquence logique, en une lutte d'extermination entre les hommes pour la possession de ces biens toujours insuffisants.

*

Cette vue de l'esprit a reçu de l'expérience historique une confirmation outrancière en un phénomène que j'ai nommé l'inversion économique et dans lequel il s'est en quelque sorte idéalisé. J'entends par inversion le fait selon lequel le moyen s'érige en fin et prend pour moyen de sa réalisation la fin même dont il était jusque là le moyen. Or, jusqu'à notre époque, l'activité économique ?agriculture, commerce, industrie? ne s'est exercée que dans la mesure où des besoins antérieurs existaient et longtemps ses moyens de production ont été inférieurs aux exigences du besoin. Les conflits engendrés par le sens possessif n'avaient trait alors qu'à la dispute au sujet de ces biens insuffisants. Mais à la suite des progrès extraordinaires réalisés par la science depuis plus d'un siècle, l'activité économique, pourvue de moyens plus puissants d'exploitation des forces de la nature, a intensifié la production des objets du besoin et cet événement qui eut pu résoudre le problème n'a fait qu'en poser les termes sous un jour plus menaçant.
Rémunérée en argent, signe abstrait du sens possessif, pour les services qu'elle rendait au besoin, l'activité économique, ayant acquis le pouvoir de satisfaire un plus grand nombre de besoins, s'est orientée vers un but nouveau : augmenter sa richesse en intensifiant et en multipliant les besoins, sources de ses gains. L'inversion économique s'est accomplie sur ce mobile. Devenue fonction du sens possessif parvenu à son apogée, elle s'est créé son organe, la réclame sous toutes ses formes, organe dont l'hypertrophie monstrueuse est le signe caractéristique de notre époque. Fondée sur la connaissance de quelques lois de la nature humaine comme la science est fondée sur la connaissance des lois du monde extérieur, la réclame cultive l'élasticité psychique par l'image, par l'obsession du verbe, par la propagande, par l'exemple, par l'excitation de la vanité et des sentiments grégaires qui instituent la mode où se manifeste sa royauté. Par les anticipations du désir dans l'imagination, elle persuade les hommes qu'ils ont besoin de ce dont ils n'ont pas besoin, acclimate dans la réalité l'usage des objets inutiles et superflus sur lesquels l'activité économique fonde ses spéculations. Ainsi cette activité, qui avait commencé par exploiter la nature en vue de satisfaire le besoin humain, en est venue à exploiter la nature humaine pour réaliser la richesse. Mais avec cette péripétie de l'inversion économique, le sens possessif a accompli un progrès gigantesque sur la voie où il détermine, par la lutte entre les hommes, la catastrophe à laquelle sont vouées les civilisations qui se développent sous sa tyrannie. A la lutte ancienne pour la possession des biens, s'ajoute à la suite de l'inversion économique la lutte pour la possession des territoires où germe et mûrit la moisson humaine, l'homme n'étant plus envisagé que sous l'aspect du consommateur, comme porteur de cette substance élastique du désir parmi laquelle il est possible de développer l'indéfini du besoin.
Ayant engendré, avec le sens possessif, un principe d'insatiabilité et de mécontentement indéfinis qui porte en lui la fatalité d'un mécanisme de destruction, l'erreur sur la fonction de la conscience, organe de vision contemplative mué en organe d'exploitation, est la cause métaphysique, profonde et inéluctable du phénomène de la guerre.


II.


Comment, dans de telles conditions, notre civilisation a-t-elle réussi pendant plus de deux millénaires, malgré la faille de la barbarie, à se propager jusqu'à nous ? Par l'invention d'un monde imaginaire projeté au-delà de la vie terrestre où les vœux du sens possessif, voilés sous la formule diaphane du bonheur, devaient recevoir une réalisation éternelle. Vivifiée par la foi, cette conception devint une réalité spirituelle qui, par son caractère de grandeur incommensurable, put réduire l'élasticité indéfinie du sens possessif, le mettre au point de la vie en société, éviter les conflits mortels.
L'instinct social, s'exerçant dans les religions positives, sut conditionner le gain de ce bonheur éternel par la pratique de certaines vertus et les impératifs de la morale trouvèrent en cette réalité spirituelle un trésor inépuisable qui, distribué aux croyants en échange des sacrifices demandés, comblait les inégalités sociales dans la jouissance des biens, réalisait les conditions d'existence. Tel est le caractère tragique de notre époque où la réalité spirituelle s'est évanouie qui avait permis jusque-là de réduire les impulsions du sens possessif et que cette carence coïncide avec la période où le sens possessif, ayant acquis sa plus grande intensité, a atteint selon la logique de sa croissance la phase de la violence. C'est en pleine course à l'abîme que le frein est venu à manquer. Or il ne peut être réparé. Que l'ancienne réalité spirituelle de la foi puisse être rétablie dans le milieu humain, c'est à quoi s'oppose la température critique réalisée dans ce milieu par l'état de la connaissance scientifique. Pour que se reproduise le climat à la faveur duquel les religions germent et mûrissent dans les conditions de sincérité où elles sont efficaces, il faudrait qu'intervînt le séisme social à la suite duquel l'humanité traverserait de nouveau les étapes naguère parcourues. Mais le séisme, qui restituerait les conditions de la croyance ancienne, est précisément l'événement qui mettrait fin, avec la ruine de notre civilisation, à la magnifique épopée de la connaissance qu'elle a en partie réalisée. C'est la catastrophe dont toutes les considérations de cette étude vont à rechercher si elle peut être évitée.
C'est là un des points de rencontre où ma pensée est le plus étroitement d'accord avec celle de NIETZSCHE. Cet accord se précise quand il déclare " à l'oreille des conservateurs " que toute tentative de revenir à des états dépassés de la mentalité augmente le péril au lieu de le conjurer et que ce qui donne le ton à notre époque ce sont les valeurs nihilistes. Et aussi quand il formule : " Une seule interprétation a été ruinée, mais comme elle passait pour la seule interprétation, il pourrait sembler que l'existence n'eut aucune signification et que tout fut en vain "(2).
Sans prétendre solidariser NIETZSCHE avec la suite de ces développements -il y faudrait une étude circonstanciée, pleine de réticences et ouvrant une discussion- il m'apparaît, sous le jour du point de vue exposé ici, que ce qui a été ruiné, c'est l'interprétation imaginée par l'homme en proie à l'erreur sur la fonction de la conscience. Cette interprétation n'est pas la seule possible. Elle laisse place à une autre et celle-ci peut être construite en considération d'un élément que l'Expérience a développé dans l'homme sans son concours en poursuivant à travers l'homme la même improvisation souveraine qu'elle avait réalisée avec perfection dans l'ordre des relations physico?chimiques. Tandis que l'homme, tentant d'organiser la vie en fonction des seules sensations du jouir et du souffrir et, dans son désir d'éliminer la douleur, se heurtait à la nature insatiable de la sensibilité, l'Expérience développait dans la matière vivante et plus expressément dans l'homme, une sensibilité spectaculaire aboutissant dans sa plénitude à la joie esthétique et à laquelle la sensibilité du premier degré, de l'ordre du jouir et du souffrir, n'a d'autre fonction que de préparer son objet, c'est-à-dire son spectacle. Sous ce jour, la valeur de la vie est déplacée. Elle ne trouve plus son interprétation dans l'accommodation du monde aux satisfactions du sens possessif, mais dans le fait d'une vision contemplative trouvant en elle-même la perfection de sa joie.


*


Un tel point de vue que j'ai développé en différents ouvrages et notamment dans les Raisons de l'Idéalisme(3), c'est celui de la substitution de l'esthétique à l'éthique, -au sens où l'éthique est une morale- comme principe de justification de l'existence. Il a été ressenti comme une réalité par les plus hauts représentants de la pensée scientifique. "C'est la connaissance qui est le but, l'action n'est que le moyen" a dit Henri POINCARE. Un tel point de vue était déjà celui de SPINOZA opposant la liberté de l'intellect, qui est de l'ordre de la vision, à l'esclavage des passions qui sont de l'ordre des sensations élémentaires du jouir et du souffrir. Et n'est-ce pas aussi en cette suprématie du sens esthétique que le thème de NIETZSCHE de l'" amor fati " trouve sa justification intellectuelle ?
Que le sens contemplatif de la vision attribue à l'existence sa signification véritable, que le scénario historique qui se déroule sur le thème de l'erreur n'ait pas sa fin en lui-même, qu'il ne soit que le moyen de composer un drame pathétique auquel l'optique du théâtre retire sa cruauté pour ne lui laisser que sa beauté, c'est le point de vue auquel aboutissent les conclusions de la Sensibilité métaphysique(4) un de mes derniers ouvrages. D'un tel point de vue et à quelque catastrophe, à quelque extermination de l'espèce par elle-même que puisse aboutir le drame du sens possessif et la valeur de l'existence est métaphysiquement sauve. Parmi les perspectives de cette interprétation, la vie conserve un sens et l'homme initié à ce sens spectaculaire, peut assister à la tragédie finale sans se départir de la sérénité dont HORACE avec "l'impavidum ferient ruinae" a nimbé son héros. Ce héros, c'est, sous le jour de la Sensibilité métaphysique l'homo-estheticus en sorte que ce livre eut pu m'apparaître comme participant à la nature de l'œuvre envisagée par NIETZSCHE. A supposer qu'il ait été composé en vue de la catastrophe, il la réduit aux proportions de la fiction et élève l'homme au-dessus d'elle dans le ciel nouveau de la réalité esthétique.

Je ne m'en suis pas tenu toutefois à ce point de vue où l'individu seul trouve la sérénité dans l'initiation. Je me suis demandé si cette initiation esthétique étendue à l'ensemble de l'humanité n'aurait pas le pouvoir de prévenir la catastrophe et de la détourner. Si la vie sociale impuissante à organiser l'instinct possessif en fonction de lui-même a réussi à le discipliner sous la dépendance d'une fiction spirituelle, si la ruine de cette fiction dans l'esprit des hommes où elle avait pris racine est la cause actuelle du péril qui menace notre civilisation, ne peut-on penser qu'une réalité spirituelle de la nature positive de l'instinct aurait le même pouvoir de réduire le sens possessif au point des conditions d'existence de la société humaine ? Le mal ne vient pas de ce que le sens possessif a sa place dans la vie, mais de ce qu'il n'y rencontre plus une force qui, le limitant par sa puissance, impose un terme à cette croissance indéfinie où ne pouvant recevoir de satisfaction des choses il en vient à la crise de délire qu'est la guerre.
Dans l'hallucination pathologique, les éléments réducteurs font défaut qui empêchent que les images soient prises pour des réalités. A supposer que la réalité commune, celle qui affecte le sens possessif ne soit autre chose qu'une hallucination collective, engendrée par la prédominance dans le jeu de l'activité psychique du sens possessif lui-même, cette hallucination cessera si le sens esthétique intervient comme élément réducteur. Avec la prépondérance de l'instinct esthétique dans le milieu psychique, c'est cet instinct, où s'exprime l'activité spécifique de la conscience, qui fixera les fins. L'erreur sur la fonction de la conscience prendra fin qui déterminait la fatalité de la catastrophe. L'interprétation conforme à l'activité propre de l'Expérience substituée à l'interprétation fondée sur la présomption humaine ouvrira à l'homme une nouvelle espérance.


III.


Dans la Sensibilité métaphysique j'ai été amené à définir le sens esthétique le pouvoir de jouir des choses sans les posséder.
Ce qui nous intéresse de la façon la plus pathétique c'est donc de rechercher si le sens esthétique est une réalité et si cette réalité a des chances de l'emporter sur l'hallucination du sens possessif dans les proportions qui permettront d'en enrayer les conséquences désastreuses. Or si l'état actuel de l'humanité, avec l'idéal strictement économique qui l'hallucine, prête aux pronostics les plus défavorables, une vue plus étendue autorise des conclusions moins pessimistes et c'est parmi ces perspectives élargies que je distinguais dans la Sensibilité métaphysique quelques péripéties majeures montrant la vie toute entière orientée vers des états où une activité spectaculaire, de la nature de la connaissance et de la vision, se substitue comme centre d'intérêt aux états où elle s'exerce comme intérêt pris aux seules sensations du plaisir et de la douleur. Ainsi en est-il dans la biologie, où les réactions chimiques du monde inorganique se sont muées en la propriété acquise par la matière vivante de jouir et de souffrir, du processus selon lequel ces sensations élémentaires deviennent des perceptions indolores, des faits de connaissance pure : métamorphose merveilleuse que consacre la différenciation du sens du toucher, siège primitif du jouir et du souffrir, en ces sens de la vue et de l'ouïe qui font du monde un spectacle. Un tel événement qui a la valeur d'un aveu recueilli dans un document autobiographique quant à la signification de l'existence, trouve, à un nouveau stade, dans le règne animal et plus expressément dans l'homme sa confirmation avec l'éveil du sens de la curiosité. La curiosité tient, sous ses formes les plus banales une place énorme et inaperçue dans la vie humaine. Elle y fait suite à la métamorphose relevée dans la biologie. Avec la curiosité l'homme attache plus d'importance à ce qu'il voit et connaît qu'à ce qu'il éprouve. Elle est la voie sur laquelle il s'élève au sens esthétique pur qui s'épanouit dans la contemplation. A cet apogée, tout ce qui est perçu par le sens possessif comme plaisir ou douleur est perçu dans la plénitude d'une sensation unique de beauté qui se forme aussi bien à l'occasion de la douleur que du plaisir. Voir, connaître, au sens de contempler, réconcilie en une unique sensation équatoriale de joie les sensations polarisées du jouir et du souffrir. L'homme du sens possessif détourne la connaissance de sa fin et l'asservit à lui procurer la possession des biens parce qu'il ne peut jouir des choses qu'en les possédant. En raison du caractère insatiable de la sensibilité qu'il développe, il diffère indéfiniment son bonheur et le situe dans l'irréalisable. En quelque mesure qu'il multiplie les biens, il excite en lui-même une cupidité supérieure à la somme de ces biens.
Pour s'exercer, il emprunte aux choses et les appauvrit. Il excite la haine entre les hommes par la compétition. L'homo-estheticus est l'homme parvenu à un degré supérieur de l'évolution de l'espèce. Il possède un sens de plus que l'homme du sens possessif. Pourvu du sens esthétique il a le pouvoir de jouir des choses sans les posséder. Il tire de lui même les vertus nouvelles dont il dote les choses. Il les enrichit dans la mesure où il s'exerce à leur occasion. Il unit les hommes dans la joie qu'ils éprouvent à l'occasion de ces objets dont ils évoquent les vertus. Les possibilités de conflit entre les hommes seront écartées dans la mesure où le sens esthétique l'emportera chez les hommes sur le sens possessif, dans la mesure où les représentants de l'espèce évoluée l'emporteront sur ceux de l'espèce possessive.


IV.


Or non seulement l'Expérience a développé le sens esthétique dans le milieu humain comme un instinct capable de prévaloir sur d'autres instincts, mais elle a suscité dans ce milieu deux phénomènes qui semblent propres à en enseigner l'usage aux hommes. L'un est l'œuvre d'art qui est une démonstration et un apprentissage du sens esthétique dans l'ordre de la vision. L'autre est le jeu que je considérerai plus spécialement sous la forme où il atteint sa maturité dans l'activité sportive. L'activité sportive forme évoluée du jeu, est une démonstration et un apprentissage du sens esthétique dans l'ordre de l'action.
J'ai déjà traité dans la Sensibilité métaphysique du premier phénomène. Je n'en rappellerai ici que les traits qui s'appliquent également à l'activité sportive.
L'œuvre d'art est une création directe de l'Expérience en tant que "natura naturans". Elle ne peut émaner de l'activité de l'homme dominé par l'erreur sur la fonction de la conscience parce que ce qui lui est essentiel et la définit c'est de s'opposer à ce que le sens possessif puisse s'exercer à son égard. Comment a-t-elle pour effet d'atteindre cette fin ? En rompant le lien de causalité par où les choses peuvent affecter le sens possessif par des sensations de plaisir ou de douleur. Toute œuvre d'art réalise une transsubstantiation. Les arts plastiques dépouillent les objets de leur substance matérielle. Ils ne les évoquent que par l'emploi de signes spirituels, la ligne, la couleur, la perspective. Ils rompent la causalité au point de son processus où elle se dirige des choses vers la sensibilité. Le spectateur n'a rien à redouter des fauves les plus terribles de DELACROIX ou de BARYE et il pourra mourir d'inanition devant les fruits les plus savoureux de CHARDIN. L'œuvre d'art est telle par sa nature qu'aucune autre attitude n'est possible à son égard que celle de la contemplation. Elle éveille chez l'homme le sens esthétique par inhibition de toute autre activité psychique.
Les arts d'expression, tels que la musique, rompent de même le lien de causalité. Ils le rompent au point où l'énergie psychique prête à réagir par des actes à l'égard des excitations du monde extérieur est détournée de cette fin et employée à construire dans la matière sonore des objets qui n'affecteront la sensibilité, comme les œuvres des arts plastiques, que sous les espèces de la sensation de beauté.


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L'activité sportive est caractérisée comme celle qui se manifeste à l'occasion de l'œuvre d'art par ce même fait de rupture du lien de causalité entre l'énergie qui s'y déploie et la production des objets qui ont trait aux satisfactions du sens possessif. Elle n'est pas un moyen interposé en vue d'une fin étrangère. Elle trouve sa fin et sa joie dans son propre exercice. Elle est une activité affranchie de la servitude du sens possessif.
Que le sens esthétique s'exerce dans la vision ou dans l'action, la joie plénière qu'il engendre reconnaît son explication en un fait de pure dynamique. La totalité de l'activité psychique est engagée et retenue dans son jeu. Aucune fin étrangère à la contemplation ou à l'action n'emprunte à cette activité aucune part d'elle-même dont le prélèvement vienne à l'amoindrir. La joie esthétique en termes objectifs trouve donc sa définition en un fait de totalisation de l'énergie psychique. Cette totalisation exige qu'aucune fin étrangère ne s'interpose entre le jeu de l'activité esthétique et le plaisir qu'elle en ressent.
C'est par là qu'elle s'oppose au sens possessif selon le strict déterminisme en raison duquel une joie majeure est préférée à une joie moindre. Car tous les buts interposés par le sens possessif diffèrent l'éclosion de la joie essentielle où l'activité entre en contact avec elle?même et se reconnaît pour la cause de son plaisir.


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Une telle définition de la joie esthétique me semble attribuer son sens plein à la grande distinction conçue par SCHOPENHAUER entre ce que l'on est et ce que l'on a. Car tout le dynamisme de l'activité psychique est engagé en ce que l'on est en sorte que s'y trouve réalisé ce fait de totalisation qui conditionne objectivement le bonheur. Quand il situait le bonheur de l'homme en ce qu'il est, SCHOPENHAUER découvrait cette essence esthétique de l'acte en laquelle le sens possessif, ce que l'on a, introduit un principe de dégradation.
PLOTIN déjà identifiait en cette activité esthétique le fait même du réel. "Toutes les réalités vraies", a-t-il formulé, "viennent d'une contemplation; lorsque ces réalités contemplent, il en vient d'autres choses qui sont des objets à contempler, soit par la sensation, soit par la connaissance et par l'opinion"(5). C'est entre ces deux termes de l'activité esthétique selon sa perfection que l'erreur sur la fonction de la conscience introduit les réalités du sens possessif, rompant le contact de 1'activité, dans l'Expérience et dans l'homme, avec elle-même, le différant à la limite infranchissable de l'infini.
Cette phase du sens possessif est néanmoins un fait. Il n'y a pas à le nier ou à lui donner tort. Il faut l'expliquer. Or il trouve sa raison d'être en cette essence spectaculaire où s'exprime l'activité de l'Expérience. Le sens possessif tient, dans ce jeu total, le rôle d'instigateur du spectacle. Aux relations que nouent entre eux les éléments physico-chimiques et qui intéressent le sens esthétique du savant, il ajoute le spectacle des passions humaines qui intéresse tous les hommes parce qu'ils en sont en même temps que les spectateurs les acteurs hallucinés. Ce qui importe, c'est qu'entre ces deux parts de l'Expérience où, dans l'une, elle institue son spectacle et, dans l'autre, le contemple selon la fin de cette activité de la conscience dont elle tient l'existence, ce qui importe, c'est que le jeu des acteurs hallucinés ne l'emporte pas sur cette activité de connaissance où la science avec un Henri POINCARÉ, où PLOTIN, SPINOZA, SCHOPENHAUER., NIETZSCHE lui-même, dans l'Origine de la Tragédie, ont vu la raison d'être de l'Existence. Ce qui importe, pratiquement, c'est que, dans la société humaine, soit rétablie la relation normale qui conditionne le jeu du sens possessif lui-même et son maintien par la prépondérance d'une réalité spirituelle. Le sens esthétique, représenté chez l'homme par un instinct, apparaît comme la véritable réalité spirituelle qui, par la joie plus forte qu'il implique, est propre à réduire l'instinct possessif aux proportions où, étant un moyen et non une fin, il peut recevoir de la fin qui l'ordonne ses conditions d'existence.


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A considérer, parmi les perspectives mythiques du péché originel et de la chute, les deux formes de l'activité esthétique où l'Expérience nous a donné des modèles, il semble que la première s'exerce après la chute, après l'introduction de l'erreur sur la fonction de la conscience. Le sens esthétique dans la vision assume un rôle rédempteur. Vertu exemplaire de l'œuvre d'art. Eliminant des choses, par la transsubstantiation qu'elle réalise, tout ce qui y a été introduit par le sens possessif, elle nous enseigne la relation que nous pouvons nouer avec les objets naturels dont la beauté, avec la joie qu'elle engendre, ne nous est voilée que par l'attitude d'exploitation que nous prenons à leur égard.
L'activité sportive du jeu c'est le mode du sens esthétique avant la chute. Elle nous offre un exemple de cette pure activité esthétique qui, selon PLOTIN est une contemplation en acte et, sans souci de créer des objets d'utilité, ne vise qu'à faire de ses propres guises un objet de contemplation dans la vision. Elle est pour nous d'un enseignement précieux. Elle nous livre une méthode d'apprentissage de ce que peut être notre activité pratique libérée du service du besoin. Mais le développement singulier qu'a pris depuis la guerre l'activité sportive, la passion qu'elle a excitée, sous toutes ses formes, chez les générations nouvelles, comme si les hommes cherchaient en elle un refuge contre la réalité angoissante de leur temps, sont des faits où semble se manifester, indépendamment de tout dessein concerté, cette intervention directe de l'Expérience à laquelle a été rattachée, au cours de ces analyses, la genèse de ce phénomène esthétique.


V.


L'activité sportive nous intéresse à un double point de vue. Directement, dans ses manifestations concrètes et dans les conséquences de moralité qu'elle y engendre, indirectement en tant que modèle d'un type d'activité qui peut être introduit dans la pratique même de la vie, la rehausser et l'organiser par la substitution de modalités esthétiques aux modalités possessives qui en compromettent le maintien.
Le sport apparaît tout d'abord dans le jeu chez l'enfant. Il y manifeste déjà tous ses caractères. Étant une totalisation de l'énergie il engendre un plaisir plus fort en degré que celui qu'engendrent tous les autres instincts. C'est par cet excès du plaisir qu'il est principe de moralité. On peut dire à un enfant : si tu fais bien ta page d'écriture, tu iras jouer. Non inversement. Si tu joues bien, tu iras faire une page d'écriture. L'enfant abandonnera le repas avant le dessert pour aller jouer. Le plaisir résultant de la totalisation de l'énergie, tout but interposé diminue le plaisir. Courir pour courir est un jeu, mais non courir pour faire une commission. Ces caractères persistent quand le jeu prend chez l'adulte la forme de l'activité sportive. Nager, courir, sauter, lutter sont des plaisirs que diminue toute affectation de l'énergie, déployée à un but intentionnel.
La définition de l'activité esthétique comme totalisation de l'énergie exige qu'il en soit ainsi, car l'intention du but est prélevée sur l'énergie totale. L'analyse introspective d'ordre qualitatif confirme par mille observations cette exigence objective. Je ne citerai qu'un fait : nager en mer vers le large est un plaisir sans mélange. Revenir au rivage suscite un but, le plaisir s'atténue, l'effort se fait sentir, la fatigue apparaît.
Pourtant l'activité sportive, selon son évolution ascendante, interpose bientôt un but et qui va faire de l'effort lui-même un plaisir. Mais ce but est tiré de son propre exercice. Il est lui-même de nature esthétique. L'activité sportive s'y prend elle-même pour objet de sa propre contemplation imitant le type parfait de ces réalités vraies évoquées par PLOTIN qui s'élèvent, sans intermédiaire, de la contemplation dans l'acte à la contemplation dans la vision.
C'est sous cette forme qu'elle s'exprime dans la compétition sportive. Dans tous les sports, devenus phénomènes sociaux -sports athlétiques, boxe, escrime, football, golf ou tennis- la compétition se présente sous l'aspect des championnats où la comparaison des énergies tendues vers la perfection ouvre les perspectives de la contemplation. C'est sous cet aspect que le sport engendre, déterminées par les conditions de l'entraînement et en vue d'une fin strictement esthétique, quelques unes des vertus que les anciens impératifs moraux se proposaient de susciter, la tempérance, l'endurance, l'ascétisme, une discipline des instincts sous l'hégémonie d'un seul. Le sport en engendre de plus hautes. Il élève le sentiment de puissance, où NIETZSCHE. a distingué l'instinct fondamental de l'âme humaine, à son plus haut degré de force et de pureté. Il rompt, selon la modalité essentielle de l'activité esthétique, le lien de causalité entre la puissance et les conséquences qu'elle détermine dans l'ordre du sens possessif. La joie ressentie à l'occasion du sentiment de puissance y est prise pour objet de contemplation. La contemplation marque le terme du processus et intercepte le courant de causalité au moment où il va produire des effets dans la pratique. L'apôtre THOMAS dégrade la foi en mettant ses doigts dans les plaies. Le sport prohibe la grossièreté de ces vérifications. Il exalte le sentiment de puissance à la cime de la vision. Il est une œuvre d'art dans l'action. Le boxeur n'achève pas l'adversaire qu'il a mis knock-out. La guerre prend fin dans le sport, par évanescence et par métamorphose en une activité supérieure, des instincts possessifs qui la suscitent. Il n'y a de vaincus ni de vainqueurs dans les compétitions sportives que ne puisse réconcilier cette activité esthétique qu'est la contemplation en commun de la puissance. C'est un des symptômes les plus alarmants de notre époque que la commercialisation par le sens possessif de cette réalité spirituelle qu'est l'œuvre d'art. Le sport, bien qu'il soit menacé d'une exploitation analogue, est, en sa pureté une réaction inverse. Il convertit en un objet de beauté ce fait de puissance dont le sens possessif avait fait le moyen de sa réalisation.


*


Mais le sport, comme l'œuvre d'art, n'est qu'un dispositif exemplaire institué par l'Expérience dans le milieu humain selon des conditions où la réalité coutumière est spécialement aménagée en vue de la démonstration.
Est-il besoin de signifier que les chances de préservation sociale, incluses aux virtualités du sens esthétique, ne trouveraient aucunement leur expression dans la multiplication des stades, des coupes et des challenges, non plus que dans la multiplication des salles de théâtre, de cinéma, ou d'exposition de tableaux. L'activité sportive témoigne de sa valeur dans la révélation qu'elle nous apporte des éléments esthétiques qui entrent dans l'activité du jeu.
Elle nous enseigne l'esthétique de l'action. Elle explicite les conditions qui développent, dans l'exercice même de l'activité humaine, un état d'euphorie où la vie trouve, non un but indéfiniment différé, mais un sens immédiat.
Or l'homme ne pourra jamais se soustraire à la nécessité de donner satisfaction aux besoins commandés par la biologie. Ces besoins lui imposent le thème initial de son activité, ils en déterminent la nature quotidienne. Rien n'est plus important pour l'homme que de maintenir cette activité coutumière dans les termes où elle engendre une euphorie en quoi consiste expressément la joie de vivre. Or l'activité sportive nous révèle le principe de ces conditions d'euphorie. L'activité y est engendrée et elle y est limitée par le plaisir pris à son propre exercice. Cette limitation de l'action par le plaisir y est la règle. C'est cette règle qu'il nous faut appliquer à notre activité coutumière pour lui conserver son caractère euphorique. A formuler cette règle avec plus de souplesse, un acte est bon pourra-t-on dire dans la mesure où le plaisir qu'il détermine par son exercice est supérieur à la somme des biens qu'il procure. Cette relation de l'acte avec lui-même engendre les civilisations du type esthétique, que M. GUGLIEMO FERRERO a nommées, dans le même esprit, civilisations qualitatives.
L'excèdent de force engendré par le plaisir au-delà de la satisfaction du besoin biologique y trouve son emploi en inventions d'ordre esthétique, c'est-à-dire en l'improvisation d'une réalité spirituelle qui peut être partagée indéfiniment entre les hommes sans provoquer de conflits en vue de sa possession puisque le sens esthétique, qu'elle affecte, consiste précisément en la propriété de jouir des choses sans les posséder. Cette règle de l'action, empruntée aux modalités que l'Expérience a développées dans l'homme sans sa participation, s'oppose exactement à celles que l'homme en proie à l'erreur sur la fonction de la conscience a instituées sur le thème du sens possessif.
Anticipant le besoin, l'homme s'est vu condamné par l'inversion économique à inventer sans cesse de nouveaux besoins et à tendre indéfiniment l'élasticité du sens possessif. La règle tirée de l'Expérience, limiter l'activité par le plaisir peut seule, par le caractère inépuisable de la joie esthétique
qu'elle engendre, enrayer les effets de l'inversion économique, réduire le besoin à une quantité fixe qui en permette l'organisation dans le milieu social.
L'homme a fait du travail une activité serve du sens possessif. C'est dans le travail qu'il faut introduire la règle esthétique de la limitation par le plaisir. Les réclamations les plus outrancières des masses ouvrières renferment sous ce jour une part de vérité profonde. Elles valent qu'on les considère. Encore faut-il rechercher dans quelle mesure elles émanent du sens possessif, dans quelle mesure d'un sourd pressentiment de la joie esthétique. Imaginer qu'il suffise de diminuer la quantité du travail pour faire apparaître le sens esthétique serait sans doute intervertir les termes. C'est sous la pression du sens esthétique que pourront être réduites les exigences du sens possessif et que pourra être reprise une part de l'activité qu'il a soustraite à la joie de vivre.


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Si l'on considère la force avec laquelle l'idéal économique domine notre époque, les considérations de cette étude risquent d'apparaître comme une utopie. Toutes les apparences semblent témoigner que l'homme actuel ne réagira pas contre cette prépondérance du sens possessif qui doit, à une échéance plus ou moins prochaine, déterminer la catastrophe. A ce pronostic formé en fonction de donnés partielles j'opposerai pour conclure les chances de réalisation que peut comporter l'hypothèse optimiste de joueur que j'ai proposée ici. Si seule une réalité spirituelle peut organiser le monde des intérêts matériels et si une réalité spirituelle de nature fictive a réussi -tant qu'elle a été crue vraie- à rendre la civilisation possible, il faut constater que le nihilisme radical à l'égard de toutes les motivations qui maintenaient dans l'esprit des hommes cette ancienne fiction spirituelle au-delà de son efficacité dans la foi, découvre une autre réalité spirituelle de nature positive : ce sens esthétique que supporte un instinct dont les préoccupations morales ont seules empêché les hommes de distinguer la puissance et le rôle considérable qu'il a joué, sous le masque des vertus morales, dans l'organisation de leur vie sociale. En contraste avec les évaluations pessimistes que suggèrent les apparences de premier plan, il serait donc logique de penser, qu'en possession d'une réalité spirituelle véritable, immanente à la nature humaine et dont la réalité spirituelle de la foi n'était qu'une préfiguration, l'humanité actuelle se trouve, pour résoudre le problème de la civilisation dans des conditions privilégiées que les périodes antérieures n'ont pas connues.


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1) La volonté de puissance. Traduction Henri Albert T. I. Mercure de France p. 20. Retour au texte
2) La volonté de puissance. Traduction Henri Albert, T. I. Mercure de France p. 46 Retour au texte
3) Un ivol. n-18 Mercure de France. Retour au texte
4) Un ivol. n-16. Alcan. Retour au texte
5) Enneades III. 8. 7. Traduction Bréhier. Ed. Les Belles Lettres. Forum Philosophicum Vol. 1. 218 Retour au texte

* Jules de Gaultier de Laguionie : essayiste français - 1858-1942 -
Collaborateur au Mercure de France, un des principaux représentants du Nietzschéisme en vogue dans les milieux libertaires de l'époque et plus connu pour sa théorie du Bovarysme (V. Flaubert) : nécessité permanente où se trouve l'homme de se concevoir autre qu'il n'est, de se mentir à lui-même.

1900 : "De Kant à Nietzsche"
1902 : " Le Bovarysme, essai sur le pouvoir imaginaire"


 
COURRIER

J'ai été désolée d'apprendre qu'aucune école n'ait répondu à l'invitation d'ART & Démocratie pour venir à l'exposition de l'Atelier 2013 à la Villa Corèse et participer à la démarche que vous proposez. Néanmoins, étant moi-même enseignante dans le premier degré, je peux comprendre les difficultés rencontrées sur le terrain pour organiser et assumer de telles sorties éducatives.
La démarche d'ART & Démocratie me paraît répondre tout à fait aux nouvelles orientations officielles de l'Éducation Nationale en faveur d'une part, du développement des Arts et de la Culture à l'école et, d'autre part, d'une éducation à la citoyenneté. Des initiatives telles que la vôtre contribuent effectivement à créer cet espace de liberté nécessaire à une éducation qui vise l'autonomie, la réflexion et l'éveil à l'esprit critique. Alors, pourquoi aucune école n'a répondu présente à votre dernière manifestation ? Je me propose dans ce courrier de vous faire part de quelques obstacles concrets que nous rencontrons dans notre réalité quotidienne :
- Les invitations et sollicitations qui nous arrivent de l'extérieur sont très nombreuses. La lettre d'invitation d'ART & Démocratie aura été noyée dans la masse. Nous n'avons pas le temps de tout consulter ; nous ne lisons, en général, que les courriers à l'estampille des Inspections.
- L'enseignant aujourd'hui est surmené. Il doit à la fois faire face à la lourdeur des programmes, à la nécessité d'une ouverture sur le monde et aux tracasseries administratives dès qu'il prévoit une activité hors des murs de l'école.
- Dans certaines écoles, la discipline est encore une difficulté. On ne prend pas le risque de sortir avec des enfants prêts à faire les quatre cents coups.
- Le problème du financement du transport, dont la gratuité pour les élèves est obligatoire, est souvent insurmontable quand on s'y prend au dernier moment. Les communes les plus généreuses peuvent mettre à la disposition des classes jusqu'à un bus par trimestre, mais les demandes doivent être adressées, pour l'année, dès le mois de septembre. Il est difficile ensuite de réserver un bus pour se rendre, par exemple, à une manifestation culturelle locale.
- Tous les projets d'établissement comportent un volet artistique et culturel à mettre en œuvre en associant des partenaires extérieurs mais ils sont établis en début d'année. Dans ces conditions, il est quasiment impossible d'y inclure la participation à des manifestations culturelles temporaires dont nous n'avons pas le calendrier à l'avance.
Tous ces obstacles peuvent expliquer l'absence de mobilisation et d'ouverture réelle des écoles.
L'école reste un milieu fermé : on fait appel à des intervenants extérieurs qui viennent dans les classes, mais on ne sort pas.
Comment éviter que les intervenants extérieurs, rémunérés au taux horaire brut minimal de 37.81 euros, ne soient que des artistes n'ayant pas trouvé leur place dans la société ?
Il y a des dérives financières qui passent inaperçues, parce que les subventions accordées pour certains projets ne sont pas plafonnées. Certains organismes privés ont le monopole des prestations artistiques (spectacles scolaires) proposées chaque année dans les écoles. Ces dernières y souscrivent facilement, car il suffit de renvoyer un bulletin de réservation.
Finalement, tout est institutionnalisé et l'on est loin de pouvoir participer à la diversité de la vie artistique locale !
Avec une démarche comme celle d'ART & Démocratie, certains enseignants peuvent également être déboussolés parce que vous ne proposez pas de dossier pédagogique avec fiches d'exploitation pendant et après la visite. Or, si j'ai bien compris, tout se passe sur place lors de la contemplation des œuvres. Les prolongements seraient plus à expérimenter qu'à diriger. Un changement de mentalité s'imposerait donc. Dans le même ordre d'idée, la production des élèves, attendue comme aboutissement des projets, pourrait ne pas être une œuvre artistique mais la participation à une
manifestation, l'expression de son avis, la culture de son goût par la libre confrontation à toutes sortes d'œuvres… Mais pour cela, il faudrait quitter une certaine logique de rationalité et de rentabilité.
En conclusion, je dirais que la position de l'enseignant est très difficile aujourd'hui, car nous sommes écartelés entre le fait de savoir ce que l'on devrait faire et celui de ne pas avoir les moyens de le faire.
Restant persuadée que la démarche d'ART & Démocratie pourrait apporter une ouverture dans l'éducation artistique des enfants, je vous souhaite persévérance pour la suite de votre action.

D.C. Eguilles - 13

 

J'ai lu avec intérêt le bulletin d'octobre 2001. J'ai noté avec regret la limitation du champ d'action d'ART & Démocratie à la région d'Aix-en-Provence, mais je respecte ce choix qui semble être justifié à vos yeux. Je continue néanmoins à penser que l'action de l'association doit dépasser ces limites matérielles en devenant un courant d'idée fort dans lequel l'enfant, citoyen de demain, doit trouver sa place. A ce titre, pourquoi ne pas associer des travaux d'enfants, réalisés ou non en milieu scolaire, aux expositions proposées ?
Je voudrais vous faire part de ma réflexion sur l'évolution actuelle des pratiques artistiques à l'école.
Enseignant à l'école élémentaire et ayant dirigé l'activité artistique de mes élèves de CM2 dans le domaine musical, je bénéficie actuellement d'une classe à PAC, Projet Artistique et Culturel, et je voulais témoigner de l'intérêt pédagogique que je trouve à cette initiative. En effet, depuis une dizaine d'années, la mise en place de projets culturels faisant appel à des artistes professionnels, gages d'un enrichissement artistique conséquent, était devenue très problématique et de moins en moins démocratique.
L'attribution des enveloppes financières des Classes d'Initiation Artistique, ou Ateliers de Pratiques Artistiques, était gérée soit par saupoudrage complètement inefficace, soit par choix complètement arbitraire ouvert à toutes les manipulations d'usage dans ce domaine. Une fois dans un milieu favorisant des pratiques élitistes et une "image de perfection" justifiant la valeur pédagogique de ce type d'action sans encourir l'échec (sic), une autre fois en Zone d'Education Prioritaire rétablissant la bonne conscience des décideurs locaux tout en attirant par ces démarches douteuses les fonds pour l'année suivante !! D'autre part, la part du risque financier engagé par les initiateurs de projets et les artistes eux-mêmes était importante, car les fonds étaient versés de manière très différée compliquant énormément la gestion des budgets des organismes de tutelle. Le domaine artistique dans le secteur éducatif n'est-il pas lui aussi "colonisé par le système normatif par excellence : l'argent", comme le dit si bien Johan Isselee dans le dernier bulletin ? Nous en avons là un bel exemple !!
Les communes jouent aussi un rôle facilitant non négligeable dans la mise en place de projets artistiques à l'école. En plus de leur investissement culturel dans les animations de lieux artistiques, à Orléans, les PLEA : Plans Locaux d'Education Artistique, financés à parité par la DRAC, ouverts initialement à la création littéraire avec un auteur de littérature jeunesse pour une classe de CM 1 par école, se sont élargis à d'autres domaines artistiques comme l'Art Plastique, le Patrimoine et la Musique. Cette année, le changement de municipalité et l'arrivée des PAC dans les écoles pourraient malheureusement être associés à une réduction de ces initiatives qui avaient pourtant une approche plus démocratique du projet culturel à l'école.
Pour ce qui est des PAC, les conditions de leur mise en place témoignent d'une grande précipitation au détriment de la concertation nécessaire entre les différents partenaires concernés, tant au niveau local que national. Elle est malheureusement le reflet d'une politique politicienne. Ceci est regrettable car ce projet répond à une généralisation démocratique des systèmes antérieurs et risque de déclencher des
phénomènes de rejet alors qu'il semble aller droit au but par son envergure… On a également contraint les enseignants à faire des choix avec cette même précipitation les empêchant ainsi d'être les acteurs de leur décision. Nous nous sentons instrumentalisés. Faut-il de ce fait refuser et cracher dans la soupe ? On a bien ici l'illustration de la différence entre une vision républicaine de l'approche de la culture qui veut s'inscrire dans une forme de rivalité, de partialité absurde, au détriment d'une vision universelle (réellement démocratique NDLR) de l'accès à la culture si bien explicité dans ce même projet PAC par ailleurs !! Pour ma part, je fais partie de ceux pour qui le projet culturel était déjà structuré et pouvait s'inscrire sans "compromission" dans le moule proposé, mais cela n'a pas été le cas de tous, loin s'en faut. Enfin, je voudrais souligner le préjudice évident d'une décision unilatérale de cet engagement dans une relation Éducation Nationale-DRAC déjà sujette à lourdeur et incompréhension mutuelle. L'avenir de cette étincelle créatrice survivra-t-elle à la tourmente balayant notre société en ces temps troublés de remise en cause de ce que l'homme appelle son "humanité" ?
Pour terminer sur une note plus sereine et moins matérialiste, je voudrais vous faire partager le propos de Camille Saint-Saëns dans une préface rédigée pour les pièces de clavecin de Rameau. Avec toutes les réserves attachées au fait de sortir un propos de son contexte historique et social, il illustre, pour moi, assez bien l'émotion artistique à condition de l'élargir à la lecture d'œuvres artistiques quelles qu'elles soient :
"…Pour goûter la musique des siècles passés, il faut, comme quand on regarde les peintures des primitifs, se défendre de chercher, dans les œuvres d'art d'un âge différent du nôtre, des effets et des expressions de sentiments qui ne sauraient s'y trouver ; faire table rase, autant que possible, de ses habitudes journalières et se laisser aller naïvement à l'impression produite par le contact avec des formes inusitées. A ce prix on atteindra singulièrement le champs de ses jouissances esthétiques : ce résultat vaut bien un léger effort."
Art et Démocratiquement vôtre,

J-P Lambert. Chanteau - 45



 

Je tenais en tant que membre d'ART & Démocratie à vous faire part de cette discussion qui a eu le mérite de me confirmer un peu plus la nécessité de l'action que nous menons et ce pour toutes les formes d'art.
Je suis allé voir un célèbre acteur-metteur en scène régional qui proposait de façon expérimentale et amicale une soirée poétique dans l'atelier de peinture d'un de ses amis.
Nous avons pu à la fin du spectacle discuter avec lui et voici quelques-uns des propos édifiants que j'ai retenus :
" De nos jours, un bon metteur en scène est un bon chasseur de subventions. Il n'y a en effet aucun lien entre le succès rencontré auprès du public et ces mêmes subventions. Notre troupe, par exemple, qui n'a jamais aussi peu joué depuis deux ans, a reçu, suite à deux ou trois projets un peu "particuliers", plus d'aides que jamais auparavant du temps où nous tournions de partout, très souvent avec un public toujours au rendez-vous…
De nos jours, il est impossible pour une troupe de théâtre ou un théâtre de tenir sans subventions. Seulement, les directeurs des "Scènes nationales" ont pour principal souci leur carrière. Il leur faut toujours programmer des spectacles d'avant-garde, du jamais vu, de l'original, du "pas facile d'accès", pour être remarqués auprès de leurs
collègues, pour qu'on puisse dire d'eux "Tu as vu sa programmation, lui il a osé…". Le but étant d'obtenir ultérieurement la direction d'un théâtre plus renommé…"
Mais ces directeurs ne se soucient guère de savoir : "Si le théâtre sera rempli et si cela va plaire au public… C'est secondaire. Le public n'est bien souvent pas préparé pour pouvoir apprécier, il n'a pas toutes les clefs pour comprendre " disent-ils. Et de rajouter : "Nous qui voyons plusieurs dizaines de spectacles par an, savons juger et surtout nous couper du piège des émotions pour apprécier véritablement une œuvre, sa mise en scène, sa quête de sens…"

Quant à notre metteur en scène de ce soir-là, il nous expliquait tout triste qu'il s'était entendu dire en substance par ce même directeur de théâtre que : "Je n'aime pas particulièrement ce que vous faites, mais comme vous avez beaucoup de succès dans votre région, je vais tout de même vous programmer…"
A lire ces lignes vous pourriez croire que cet artiste présente des vaudevilles ou du boulevard. Non, non ! Personnellement, je trouve que ces spectacles ne sont pas forcément facilement accessibles à tous : ce soir-là les textes étaient de Rimbaud, Cendrars, Baudelaire ; les spectacles d'avant, des adaptations de Bossuet, Shakespeare….
Ainsi, on comprend mieux pourquoi dans le théâtre et dans la danse, comme dans la peinture contemporaine, les spectacles deviennent totalement hermétiques et subissent de plus en plus la désaffection du public… : "C'est secondaire !".

H. LEPRETRE - Mérinchal - 23

 

 

NOTE À L'INTENTION DES ENSEIGNANTS

Des raisons financières nous empêchent actuellement d'étendre nos expositions au-delà de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Néanmoins, lors de visites d'expositions locales avec leurs élèves, les enseignants qui le désirent pourront employer nos questionnaires dont vous trouverez, joints à ce bulletin, un exemplaire destiné aux adultes et un autre destiné aux enfants. Le but de notre action n'étant pas de faire connaître le travail de l'Atelier 2013 (dont la raison d'être est d'avoir en permanence des œuvres à exposer si l'occasion se présente), ni de faire de la publicité pour une quelconque expression artistique, mais de permettre aux jeunes et aux moins jeunes de s'exprimer librement sur toute création ou manifestation artistique.

 

Nous avons reçu de Guillaume BAUGÉ le numéro 3 de "Choix de Textes". A lire et à méditer.
Guillaume Baugé, artiste peintre et professeur de dessin et de peinture
2, allée des Artistes 77 200 Torcy (Marne-la-Vallée) Tél : 01 60 05 11 71

 

C'est avec plaisir et intérêt que nous accueillons la reprise de la publication de la revue ARTENSION, dont nous avons reçu le numéro 3. Nous remercions Pierre Souchaud pour la gracieuse publicité faite à ART & Démocratie.
ARTENSION une revue de qualité qui fait connaître une peinture de qualité.
B.P. 9 - 69647 Caluire cedex
Tél : 04 78 23 58 75
Fax : 04 78 23 51 49
artension@wanadoo.fr
www.artension.fr

ART & Démocratie
Le Brancaï - CD 46
13790 Châteauneuf-le-Rouge

 

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